Leadership & Introversion (1)

Quand on parle de leadership, on pense souvent “charisme”, “rayonnement”, et autres qualités habituellement associées aux personnes extraverties. Pourtant plusieurs auteurs clament que le leader introverti possède tout autant de leadership, à sa manière. Il ferait même un excellent leader ! Qu’en est-il ? En fait l’Introverti a un style de leadership particulier qui prend sa puissance quand il n’est pas contrarié. Et qui se montre opérant avec un certain type de collaborateurs.

Introversion / extraversion : une affaire d’énergie

Pour décrire introversion et extraversion, le critère, défini par Carl Gustav Jung, est l’énergie.
Celui qui prend son énergie dans son intériorité est dit “introverti”.
Celui qui la trouve dans les interactions avec l’extérieur est “extraverti”.

Le premier tourne son attention à l’intérieur (pensées, ressentis), le second, vers l’extérieur (personnes, activités).

L’introverti a besoin régulièrement de se retrouver seul et/ou au calme pour se ressourcer.

A l’inverse de l’extraverti qui a besoin de voir du monde et d’être nourri par l’extérieur pour être en forme.

Le premier n’est pas plus asocial que le second n’est socio-dépendant. Chacun a seulement ses besoins et ses limites, notamment en matière de stimulations extérieures.

Nuances dans nos préférences sociales

Il faut penser l’introversion et l’extraversion comme des tendances inscrites dans un continuum.
A une extrémité, l’ermite, à l’autre, le boute-en-train (ou l’hyper sociable).

Introverti <—————–|vous êtes ici*|————————————————————-> Extraverti

* C’est un exemple.

Pour nuancer encore, nous évoluons constamment. Ainsi, nous pouvons avoir des phases plus extraverties que d’autres, et des situations qui favorisent l’un ou l’autre de nos deux côtés.

Exemple :

Vous êtes modérément Introverti. Vous pouvez passer un certain temps en société dans des discussions animées, avant de ressentir le besoin de vous retrouver seul. Cependant, si ces discussions s’avèrent trop légères (sans fond), votre jauge d’énergie peut descendre bien plus vite que prévu.

Aussi, pour simplifier, nous parlerons dans cet article de personnes qui sont par nature nettement d’un côté ou de l’autre : franchement extravertie (Extravertie avec un grand E) ou résolument Introvertie.

Le leadership, apanage des Extravertis ?

Alors le leadership, cette capacité à mobiliser d’autres personnes vers un but commun, est-il l’apanage des Extravertis ?

Une abondante littérature ainsi qu’une culture dominante en Occident associe au leadership les caractéristiques extraverties. Le leader va vers les autres, communique vers l’extérieur, préfère la foule à la solitude.

En 2006 un sondage mené auprès de plus de 1500 dirigeants seniors aux salaires à 6 chiffres indiquait que 65% d’entre eux voyait l’introversion comme une barrière au leadership. Et seuls 6% pensaient que les introvertis étaient de meilleurs leaders que les extravertis (Jones, 2006).

A contre-courant, plusieurs études montrent que les Introvertis peuvent avoir un leadership puissant s’ils vivent en harmonie avec leur nature.

Le leadership de l’Introverti

Ainsi l’Introverti possède généralement plusieurs des traits suivants qui s’avèrent précieux pour être un leader :

  • Calme : l’Introverti rassure par son calme. C’est un élément stabilisateur du collectif
  • Focus : il excelle à être centré et attentif, pleinement présent. Cela lui donne un charisme certain au moment où l’attention est sur lui.
  • A l’écoute : il favorise la motivation naturelle en laissant la place à tous (leadership participatif) et aux idées, préoccupations de chacun. Il permet l’émergence de l’intelligence collective.
  • Réfléchi : sa parole résulte d’une réflexion souvent approfondie, il parle peu mais avec pertinence.
  • Observateur et stratège : son attitude en retrait, volontiers en position “Meta” (vision d’ensemble, vue du dessus) lui confère un talent pour lire les situations et avancer en toute discrétion (talent politique).
  • Profond : l’Introverti est épris de profondeur, et s’il sait bien la transmettre il devient un porteur de sens pour ses collaborateurs.
  • Solitaire : il sait travailler seul, en toute autonomie. Ne dépendre (presque) que de soi est un atout pour devenir leader.

Pour moi un magnifique exemple de ce leadership introverti, c’est Miles Davis. Un créateur de jazz à l’origine de plusieurs mouvements musicaux, un leader de groupes. Mais aussi un personnage complexe et décrit par plusieurs de proches comme timide ou introverti.

Comme Miles Davis

Miles Davis était, entre autres, connu pour son attitude féroce. Lui servait-elle à tenir les autres à distance ? Ou de détourner l’attention de lui, comme quand il tournait le dos au public, dans les passages où il ne jouait pas et écoutait son groupe.

A la fin de son solo par exemple, il partait derrière les musiciens. Et tournait le dos à la salle ou allait s’asseoir à une table.

Questionné par les journalistes sur son attitude, voici quelques raisons qu’il leur donna :
– il voulait écouter son groupe comme un chef d’orchestre, de dos
– il ne voulait pas détourner l’attention du public, du solo de ses musiciens
– à certains endroits de la scène on entendait mieux qu’à d’autres
– au Village Vanguard, il ne supportait pas de regarder le vacillement des bougies sur les tables

Le point commun, c’est l’importance qu’il accordait à la qualité d’attention. Et sa crainte que celle-ci soit distraite – une préoccupation typique des Introvertis.

Quand il jouait, il se tenait immobile, la tête penchée en avant, la trompette pointée vers le sol. Il avait la trompette plus profonde moins détonante que d’autres, plus intérieure.

Il faisait peu de cas des applaudissements, et se passait de sourire. Et même de saluer le public qu’il voulait garder concentré sur la musique.

Un leader atypique ?

Une anecdote illustre son style particulier. En 1957 une jeune auteure du nom de Joyce Johnson va écouter Miles Davis au Café Bohemia, un club apprécié des artistes et écrivains. Elle écrit ensuite à son petit-ami Jack Kerouac et décrit comment Miles Davis a remercié son public :

« La salle était comble mais il y réglait un silence de cathédrale […] Soudain, de l’autre côté de la rue, une voiture a percuté une maison et un lampadaire… Quelqu’un a crié « Dingue! », a levé les bras et s’est précipité dans la rue, suivi de tout le monde sauf Miles qui a continué à jouer. Il a terminé et a dit tranquillement « Merci pour les applaudissements » puis il est parti. C’était comme dans un rêve. »

Source : So What: The Life of Miles Davis, de John Szwed, 2002

Je vous laisse avec une illustration de son art, en compagnie de son quintet en 1967.

Dans le prochain article nous verrons comment l’Introverti peut tirer parti de sa nature et dans quelles situations il est le plus efficace en tant que leader.

10 Commentaires

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  1. LA PERSONALITE INTROVERTIE DE ALAIN MOCCHETTI
    Parmi l’ensemble de mes sœurs qui sont 4 et de mes frères qui sont 2, c’est moi qui suis le plus introverti de la famille MOCCHETTI-MOLINARI. Je peux dire que je suis introverti de naissance et dans ma toute jeune enfance, je vivais heureux dans ma coquille, étais je autiste à ce moment la, je crois que oui. Contrairement à mes sœurs et mes frères, je ne parlais pas, je n’avais pas d’opinion, pas de répondant, je devais être ennuyeux pour les personnes qui cherchaient à communiquer avec moi, beaucoup me disaient que je n’avais pas de caractère et cela a perduré pendant des années, jusqu’à l’âge de 28 ans. Scolairement parlant, j’étais très moyen en expression orale forcément et en expression écrite. Au Collège comme au Lycée, je détestais la Littérature et la Philosophie, ainsi que les langues étrangères, mon introversion a été un vrai handicap pour moi. Par contre quand j’ai fait mes études supérieures, je me suis découvert des facultés importantes pour les matières scientifiques et les mathématiques avec une particularité pour les mathématiques où j’ai brillé de la 6ème jusqu’à la 5ème année de faculté (UFR Sciences de Metz). Pour résumer je suis sorti de la Fac avec un Master que j’ai obtenu de la meilleure des façons (mention TB en Licence de Construction Mécanique et mention B au Master). A ce moment la j’avais un faible niveau en expression orale et en expression écrite. Je m’en rendis compte quand je fus embauché à SGN (ex Saint Gobain Nucléaire) filiale Ingénierie de la COGEMA devenue AREVA NC. Comme tout le monde, je me suis formé sur le tas, j’étais Ingénieur d’Essais, puis Ingénieur Responsable d’Unités pour finir Ingénieurs Achats & Marchés en intégrant le projet 2490. Très vite j’ai appris à faire de la rédaction de qualité, et à m’exprimer oralement avec éloquence. En tant que responsable, j’ai encadré des Techniciens pour commencer et ensuite des Ingénieurs d’essais quand je fus promu Ingénieur RU à G27. J’ai calqué mot pour mot la façon d’écrire et de s’exprimer oralement de l’Adjoint Opérationnel de G27 et de l’atelier T1 (UP3 800), à savoir Monsieur Jean-Jacques Izquierdo qui excellait dans ces 2 disciplines. Je dois donc mon niveau actuel à JJ Izquierdo que je remercie au passage pour m’avoir fait énormément progresser. Pour aider ma femme Sophie LARONCHE à s’occuper de notre fils David qui était insomniaque à l’extrême les 10 premières années de sa vie, en plus d’être Autiste et Hyperactif, j’ai négocié un départ de SGN fin mai 1990, pour aider Sophie à s’occuper de David, nous étions pas trop de 2 tellement que David était dur. J’ai donc sacrifié ma carrière d’Ingénieur, c’est David qui a primé par rapport à celle-ci, qui n’aura duré que 11 ans, si je n’avais aidé Sophie à s’occuper de David, elle et ma fille Ophélie auraient craqué en faisant une dépression nerveuse. Quand je parlais de manière très éloquente avec mes amis des Terrasses à Equeurdreville, ils me disaient que j’étais très cultivé. Depuis 2009, j’ai quitté Equeurdreville pour venir habiter à Pont l’Abbé pour me rapprocher de David qui séjourne depuis le 29 décembre 2004 dans la Fondation Bon Sauveur, dans l’Unité Pierre Jamet pour être plus précis. J’ai très peu d’amis et je vis de façon très sédentaire, donc je communique très peu oralement au présent et je n’ai plus l’éloquence verbale que j’avais de 1986 à 2009. Je n’en suis pas sur, mais je me sens de nouveau introverti faute de communication verbale, j’ai l’impression d’avoir fait marche arrière, fort heureusement je ne me sens plus présentement c’est-à-dire au 27 juillet 2016 dans ma coquille d’autrefois.

    Alain Mocchetti
    Ingénieur en Construction Mécanique & en Automatismes
    Diplômé Bac + 5 Universitaire (1985)
    UFR Sciences de Metz
    alainmocchetti@sfr.fr

    • Julien Leader & Blogueur sur 27 juillet 2015 à 14 h 48 min
    • Répondre

    Bonjour Karine!

    Merci pour cet article important à mon goût. Trop de personnes pensent qu’elles ne peuvent pas accéder à des postes importants, ou influencer les autres, car elles sont introverties.

    Pour commencer, vous soulignez bien la définition de l’introverti/extraverti et j’utilise la même pour expliquer cette différence fondamentale. Pour beaucoup, l’introverti est un timide. Ce n’est pas la même chose.

    Je me considère comme un introverti bien que je gère des équipes/parle en public. Mais cela m’épuise et j’ai besoin d’un retour au calme après de longues journées.

    Avez-vous des ouvrages sur des leaders introvertis à recommander?

    Merci d’avance pour réponse.

    Julien

    • Julien sur 28 juillet 2014 à 21 h 40 min
    • Répondre

    Bonjour et merci pour cet article tres pertinent qui souligne bien les qualites de leader des introvertis. Le sondage mentionné est effrayant, quant a la vision qu’ont nos leaders de l’inportance du calme et de la reflexion dans les postes a haut niveau… Ils preferent la capacite a parler en public, a se plonger dans les foules… C’est dommage, mais peut etre qu’a force d’en parler avec des articles comme celui on arrivera a faire changer les mentalites ! Merci aussi pour le bel exemple de Miles Davis !

    1. Bonjour Julien
      Merci de votre commentaire ! Il faut de tout pour faire un monde, n’est-ce pas ?
      C’est une bonne idée que vous avez eue, de partager vos réflexions et votre vécu sur un blog ; ainsi d’autres personnes peuvent s’identifier et réfléchir à leurs besoins et à leurs réactions naturelles vis-à-vis des stimulations extérieures.

    • Guillaume Paré sur 1 juillet 2014 à 20 h 23 min
    • Répondre

    @ ngakiegni

    Il faut aussi ne pas confondre leader (chef de file) et leadership. Le premier est un type de personnalité. Le second est plus une qualité, une attitude, un comportement précis. Par exemple, quelqu’un qui n’est pas un leader peut avoir, à un moment donné, du leadership, de l’initiative.

    Voir les travaux de Warren Bennis sur la distinction entre le gestionnaire et le leader.

    • dakolny sur 9 avril 2014 à 21 h 54 min
    • Répondre

    Trop cool le quintet de Miles ! Merci pour ce moment délicieux.

    L’analogie avec le groupe de musique est savoureuse. On parle beaucoup d’équipe en entreprise… mais là c’est vraiment l’équipe en action, en oeuvre au présent avec le respect de l’expression des individualités.

    Lol, I have a dream ;)

    • ngakiegni sur 25 mars 2014 à 12 h 32 min
    • Répondre

    Un leadership est une personne qui par sa façon d’être se distingue les autres et il attire un bon nombre des personnes pour le suivre dans sa voie, le leadership comporte plusieurs domaines ;Parlons de la personne introvertie je ne pense pas que pour un premier temps qu’il est leader car le fait de se replier sur lui même et ne pas communiquer avec les autres ne lui confère pas la tendance d’un leader il est plutôt égocentrique. Un leader doit attirer les autres ,c’est un modèle à suivre .
    Parlons du charisme et rayonnement si l’homme introverti, rayonne et il à le charisme la finalité est qu’il sera un grand leader du fait de son rayonnement et le charisme , il ne sera plus introverti du fait qu’il aura un monde autour de lui.

    Un bon leader doit être extraverti.

      • Daniel sur 26 mars 2014 à 11 h 12 min
      • Répondre

      @ngakiegni :
      en lisant votre commentaire, j’ai le sentiment que vous confondez diverses notions ;

      ainsi, l’introverti communique, de manière plus sélective probablement que l’extraverti, il n’est pas nécessairement plus égocentrique que ne l’est l’extraverti (ce dernier n’aime-t-il pas être au centre de l’attention ?)

      ce n’est pas parce qu’un leader nous attire qu’il est pour autant un modèle à suivre : on suit ses idées, on participe à ses projets mais si on prend modèle sur lui, on va se retrouver en concurrence avec lui …

      un leader est souvent seul pour prendre les décisions : l’introverti est peut-être mieux armé dans cette situation
      je pense aussi qu’il y a une nuance à faire entre la personnalité et le masque social : un introverti peut avoir un masque extraverti

    • beatrice sur 25 mars 2014 à 10 h 24 min
    • Répondre

    Approche innovante et clairvoyante des introverties. Merci beaucoup pour cet eclairage une fois encore tres pertinente Karine

      • Karine sur 26 mars 2014 à 10 h 28 min
      • Répondre

      Merci Béatrice. Ce n’est pas si innovant, cette idée du leadership introverti, mais elle me semble intéressante à creuser et à partager.

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