Une part de nos comportements et de nos choix nous échappe tant que nous n’avons pas pris conscience de ce qui les motive. Un des outils pour explorer ces motifs inconscients et récupérer de la puissance personnelle, c’est le concept d’Ombre de Carl Gustav Jung. Comprendre ce qui nous irrite chez les autres (chef, collaborateur, client…) c’est mieux se connaître et mieux se gérer (self-management). Voyage au pays du miroir pas toujours facile à regarder !
Qu’est-ce que l’Ombre ?
C’est un archétype défini par Carl Gustav Jung, médecin psychiatre et psychologue suisse de la première moitié du XXème siècle. Emule puis dissident de Freud, il a élaboré plusieurs théories, nourries de psychologie et de sciences humaines.
L’Ombre, c’est la partie de notre psyché dans laquelle nous avons refoulé tout ce qui n’était pas autorisé, d’après notre éducation. Par exemple : se mettre en colère, se montrer égoïste, avoir des pensées déplacées, être prétentieux etc.
Chacun de nous a une Ombre unique, composée au fil du temps de tous ces interdits. Elle représente ce que nous refusons d’être ou de devenir, ce que nous n’assumons pas, ce que nous rejetons le plus.
Comment se manifeste l’ombre ?
Je projette donc je suis
L’Ombre se manifeste par un mécanisme : la projection. Ce que nous n’acceptons pas de nous-même (qu’il s’agisse d’un trait de caractère réel ou fictif), nous le projetons sur des objets extérieurs… les autres, avec leurs différences.
Exemple :
Benjamin est en quelque sorte le côté obscur de Sophie ; comme elle ne le reconnaît pas, elle concentre sur lui tous les défauts de la Terre. Il devient son Dark Vador, ou sa part « sorcière ».
Le mécanisme ici : je projette sur l’autre ce que je ne m’autorise pas.
Autre exemple :
Le mécanisme ici : je projette sur l’autre ce que je ne n’assume pas d’être. « C’est celui qui dit qui y est », disent les enfants.
Sophie et Martin ont un point commun, ils dépensent beaucoup d’énergie à garder secrète leur part d’ombre, à la refouler dans un cachot. Et s’ils gagnaient à la défouler un peu ?
Défouler sa part d’Ombre
Ce que je trouve intéressante dans l’approche de l’Ombre, c’est l’idée d’une réconciliation de toutes les parts de nous-même. Chaque fois qu’une personnalité nous pose problème, que certains traits ou comportements nous agacent, c’est une occasion d’en apprendre sur nous-même et sur notre part d’ombre. Ayant pris conscience de nos projections, nous pouvons alors réintégrer ces parts de nous-même pour devenir un être plus complet et apaisé.
Pour Sophie, il s’agit d’apprendre à s’autoriser un peu l’auto-promotion. A petites doses d’abord, puis davantage, comme un apprentissage progressif.
Pour Martin, c’est prendre conscience qu’il a du mal à dépenser et à offrir aux autres. S’accepter tel quel lui permet de mieux vivre sa relation à l’argent, puis d’évoluer s’il le souhaite, en apprenant à lâcher prise sur ce qu’il « lâche » aux autres.
L’important avec l’Ombre, c’est de s’y ouvrir, de l’explorer, d’en réintégrer des parts.
«L’ombre est quelque chose d’inférieur, de primitif, d’inadapté et de malencontreux, mais non d’absolument mauvais. » « Il n’y a pas de lumière sans ombre et pas de totalité psychique sans imperfection. La vie nécessite pour son épanouissement non pas de la perfection mais de la plénitude. Sans imperfection, il n’y a ni progression, ni ascension.»
Carl Gustav Jung, in L’Ame et la vie.
Manager en conscience
Que se passe-t-il quand un manager prend conscience d’une part de son ombre ?
Il est plus juste avec ses collaborateurs, puisqu’il ne les juge plus à l’aune de ses projections mais davantage de la réalité de leurs comportements/qualités.
Il comprend mieux l’autre dans ce qu’il est, et peut lui-même être mieux compris dans ses réactions. Il s’irrite moins facilement pour des raisons qui semblaient anodines à des membres de son équipe.
Il sort aussi des limites imposées par son ombre, comme le montre l’exemple d’Anne la Douce.
Anne a refoulé son aspect dur et la voilà douce, presque molle. Pourtant, à l’intérieur, un monstre de dureté n’attend qu’une chose : pouvoir sortir et exprimer toute sa force. En acceptant cette part d’elle-même (et sa propre dualité) Anne a une chance de récupérer une force nouvelle. Digérer le monstre, en quelque sorte, pour trouver un équilibre.
En réintégrant son ombre, au vu de ce qui précède, il y a aussi des chances qu’un manager devienne au final plus motivant (cf. la « Validation » dans les 10 clés de la motivation). Il gagne en leadership, devient peut-être plus inspirant.
A vous :
– Quel genre de personnes avez-vous le plus de mal à supporter ?
– Qu’est-ce qui vous agace chez elles, exactement ?
– Et vous, où en êtes-vous de ce type de comportement ?
– Que sait faire cette personne, que vous ne savez pas faire ou que vous ne vous autorisez pas à faire ?
– Qu’auriez-vous à gagner à intégrer dans votre manière de faire, une petite dose de ce comportement de l’autre ?
Prolonger :
– l’excellent article de Marie-Pierre Glénisson « Apprivoisons notre ombre »
– le coût de la perfection
– 10 clés du manager motivant [1/2]
– travailler ses qualités opposées pour gagner en charisme
– les facettes de notre personnalité
13 Commentaires
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merci beaucoup de tous ce que vous avez fournis pour faciliter notre compréhension
Bonjour a tous depuis ma 50 ans passer je suis en crise du milieu de la vie rien n est facile accepter la menipause avec les crises hormonaux accepter nos parts d ombre toutes situations du passer me remontent je suis tres depressive de part ma mere qui ne m a jamais fait de cadeau et qui a toujours ete tres injuste avec moi nous sommes deux soeurs entre differences et preference il fallait etre parfait pour elle c est une profonde souffrance pour moi merci
Bonjour Karine,
Cela fait quelque temps que je lis ton blog et je me décide enfin à y laisser un petit mot.
J’aime l’originalité et la qualité de tes articles. Je salue d’ailleurs le lien habile que tu fais entre l’ombre et le manager, pas forcément évident pour les non-initiés !
Au niveau personnel, je fais parti d’un mouvement d’hommes depuis plusieurs années (ManKind Project – MKP France). Et nous faisons un travail sur l’ombre justement.
Pour moi c’est absolument nécessaire de connaître son ombre, aussi bien « dorée » (les qualités que je refoule), que « sombre » (les parties de moi que je déteste). Cela m’apporte beaucoup de paix intérieure et me permet de grandir !
D’ailleurs, il y a le pendant féminin qui travaille aussi sur l’ombre, avec le mouvement de femmes « Woman Within » (Sacrée Femme en France). Le connais-tu ?
Ah oui, une dernière chose, ton article m’a fait penser à un très bon bouquin que je recommande : « Apprivoiser son ombre » de Jean Montbourquette
A bientôt,
Rémi
Bonjour Rémi
Merci pour ton commentaire, et tes encouragements.
Et merci pour ces références que je ne connaissais pas et vais explorer !
A bientôt,
Karine
Bonjour
j’ai apprécié cet article (comme celui de MP Glénisson que j’avais lu avant), surtout la photo. Plutôt contente de moi sur le sujet, je suis ensuite tombée sur un article de S Pascual https://www.ithaquecoaching.com/articles/les-dessous-de-la-medisance-283.html sur la médisance, que je rapproche des projections dont vous parlez. Bref, ya du boulot ….
Carine
Bonjour Carine
Merci du commentaire et du lien.
Eh oui nous avons beaucoup à apprendre de notre manière de juger les autres !
Bonne semaine,
Karine
J’aime beaucoup ton article, Karine, le travail sur l’ombre étant pour moi, une source d’enrichissement de la personne avec qui je travaille.
J’ajouterais en compléments à tes questions pour un travail sur soi, que le carré fondamental répond parfaitement à cet objectif https://www.coaching-harmonique.fr/outils-eft-hypnose/le-carre-fondamental/
Merci Marie-Pierre !
Entièrement d’accord, ton carré fondamental permet cette exploration.
A bientôt,
Karine
Très intéressant article, une fois de plus, Karine. Je les fais tous partager, d’ailleurs.
J’ai fait ce travail sur les ombres en clown : ce n’est pas toujours facile mais c’est un apprentissage essentiel, me semble-t-il, pour développer des relations apaisées avec soi-même et avec les autres. Je n’y avais pas pensé dans le cadre du management, mais maintenant que vous le dites ça me paraît évident :) Merci de remettre ainsi les choses en perspective.
Bonjour Françoise,
merci beaucoup !
Le travail de l’ombre en clown, intéressant… Comment ça marche ? On joue son ombre en forçant le trait façon clown ?
Oui, c’est en gros le principe : d’abord on repère ses ombres en listant les comportements qu’on se supporte pas chez les autres et chez soi ; ensuite, on en choisit quelques unes et on les « habite » : costume, son mode de déplacement ; puis on les montre fièrement au autres participants, sous la forme d’une sorte de défilé.
Le postulat est qu’en les donnant à voir, on les reconnait comme siennes, on les célèbre et, ainsi, on les apaise. J’ai fait cela plusieurs années de suite et je suis descendue de plus en plus profond, jusqu’à tirer à moi certaines ombres particulièrement détestées. A partir du moment où on choisit de les incarner, la paix est déjà là et c’est une très grande joie de les faire vivre sans hésitation ni honte. Et encore plus quand ça fait rire ceux qui assistent à cette célébration.
Bonjour Françoise,
Je suis en train de lire un livre: « découvrir et accueillir sa part d’ombre », qui me touche beaucoup; du coup j’ai regardé un site qui évoque un travail personnel là dessus, et je viens de voir votre message…de 2012 concernant ce travail avec « le clown » et tout le bien que vous en dites!
Pourriez vous me donner les coordonnées de de l’organisme qui organisant ce travail?
MERCI beaucoup de votre réponse et de votre témoignage bien encourageant!
Catherine
Bonjour Catherine,
J’ai fait cela dans le cadre de stage de clown, avec Rosine Rochette qui est aussi Gestalt-Thérapeute.
Voici son site : http://www.clown-gestalt-rr.com/
J’ai travaillé avec elle de nombreuses années. Je vous la recommande vivement.
Bonne continuation à vous,
Françoise