Comment écouter autrement ? Et s’enrichir, s’ajuster des retours de notre environnement ? Comment convaincre sans vaincre ? Voilà quelques questions au coeur d’un programme atypique dont j’ai envie de vous parler aujourd’hui. A l’occasion de sa nomination comme finaliste du prix de l’Initiative RH 2015, organisé par Hudson et Cadremploi.
Selon une étude du cabinet Deloitte menée auprès de 1500 leaders RH et business à travers 90 pays fin 2014, le développement du leadership est la première priorité.
Pourtant, 44% des responsables RH interrogés au niveau mondial considèrent que les programmes mis en place pour accompagner le développement du leadership au sein des entreprises, sont insuffisants pour répondre à la diversité des profils de leaders.
Pour un leadership juste
C’est pour répondre à ce challenge que Kolibri Coaching et Mécénance ont développé un programme d’accompagnement à destination des managers de managers de La Banque Postale. Le but : leur permettre de développer un leadership juste, c’est-à-dire respectueux d’eux-mêmes et des autres.
Ce programme intitulé « Gagnez en leadership naturel : s’écouter, écouter, se faire écouter » propose une approche pédagogique innovante combinant expériences collectives de décadrage, expérimentation. En complément, des coachings individuels permettent d’ancrer les apprentissages dans un vécu et d’accroître les bénéfices dans la durée.
Du monde du silence à l’arène du verbe, les managers sont amenés à vivre des expériences hors du cadre et à trouver des points d’appuis intérieurs qu’ils ne se connaissaient pas.
Je vous propose une brève immersion dans ce programme à travers les deux séquences de décadrage du cursus.
Première séquence
Conversation avec des sourds : de l’oreille distraite à l’écoute totale
Un silence plane sur le groupe de managers, face à 4 conseillers sourds qui attendent en souriant, pleinement dans leur rôle du jour. Par quoi commencer ? Comment faire pour “parler” avec eux ?
La mission confiée à ces managers pour l’exercice consiste à passer un message complexe à l’équipe de sourds (dans la vraie vie des spécialistes de la relation client pour sourds et malentendants). Et sans interprète pour commencer. Pendant quelques instants, nos managers “sèchent”. Mais pas longtemps : une idée fuse, le groupe se concerte, l’un tente quelque chose, un autre rebondit. Et voilà l’orchestre de managers qui entre de mieux en mieux en conversation avec les conseillers sourds. La communication se précise, le projet prend forme, entre quelques éclats de rires et des moments d’écoute intense.
Au bout de quatre heures, les prises de conscience sont profondes.
Des prises de conscience :
Sur l’écoute, c’est l’idée de prendre le temps (pour en gagner) :
“En fait, d’habitude, nous brûlons les étapes !”
“Nous ne validons pas assez que l’autre a compris. Là nous étions contraints de le faire et c’est éclairant.”
“Je me rends compte que je crois écouter, en fait je n’écoute pas vraiment.”
“Là nous étions obligés de reformuler. Et on se rend compte de tout ce que ça change dans la compréhension mutuelle : ce que j’ai compris, ce que l’autre a compris.”
Sur la présence à l’interaction et l’engagement dans la relation :
“Regarder l’autre dans les yeux ça change toute la communication.”
“Je réalise que je ne prends pas assez le temps de vérifier ce qui est passé dans ce que j’ai dit, en réunion. Et que je prends pour acquis que c’est entendu et compris. Maintenant je vois mieux les étapes à ne pas manquer.”
Sur le langage commun, une clé à portée de main :
“Au début de l’exercice nous étions maladroits puis nous avons trouvé avec eux des codes pour communiquer”
“Le non verbal finalement c’est déjà un langage commun, dont je peux me servir plus”
“Si on prend ce temps-là, on gagne vraiment en qualité de communication”
Seconde séquence
Plaidoirie avec des avocats : managers, à la barre
Après un atelier dédié au feedback (le demander, le recevoir, le donner), le dernier temps du programme invite les managers à plaider une cause managériale.
Deux avocats spécialistes en plaidoirie les entraînent, à la fois sur le fond (argumentation, contre-argumentation) et sur la forme (posture, intonation, présence…)
Un à un les managers se lancent, chacun avec son style et ses lignes de forces, soulignées par les retours des avocats : “Vous êtes posé et on vous sent solide sur vos positions”,
“Vous avez une bonne gestuelle et un très bon rythme, c’est percutant”,
“Quand vous faites parler votre autorité de compétence, on vous suit”...
Tout l’art consiste à rester soi, avec son style, et à adopter une posture au service de sa stratégie pour susciter l’adhésion. Sans jouer contre sa nature :
“Quand j’étais jeune, un avocat très âgé m’avait dit après m’avoir écouté plaider, “Vous êtes un doux. N’essayez pas de faire le méchant, vous ne tromperez personne.” confie Alexis, l’un des deux avocats.
Congruence, cohérence, confiance dans ses propres atouts, soutiennent une argumentation bâtie avec méthode. Les managers voient tout de suite comment s’en servir dans leurs réunions, comités, entretiens bilatéraux..
L’art du dialogue gagnant-gagnant
Les découvertes ouvrent des perspectives de dialogue enrichi et d’approche gagnant-gagnant :
“J’ai toujours vu la conviction comme l’art de battre l’autre par KO. Je me rends compte que c’est plutôt gagner sans mettre l’autre 1 à 0.”
“Vu comme ça il est bien plus stratégique de comprendre d’abord le point de vue de l’autre, pour mieux trouver le terrain de l’adhésion.”
“La méthode apprise dans l’atelier m’a permis de débloquer une situation managériale où le dialogue était rompu.”
“Je vais désormais travailler en équipe pour construire l’argumentation quand j’ai à défendre un dossier important en interne. A plusieurs il est plus facile de prendre en compte tous les points de vue.”
“Finalement la forme compte autant que le fond. Et les arguments rationnels ne parlent pas à tous, il faut aussi s’adresser à la part émotionnelle.”
Ces apprentissages, les managers soulignent qu’ils les ont fait non pas seulement dans leur tête, mais aussi dans leurs émotions et parfois dans leur corps. Un savoir-être qui s’incarne et reste accessible dans une posture, dans un geste.
De ce voyage qui transforme, la plupart reviennent avec une confiance plus grande dans leurs points forts. Et l’envie d’aller travailler des points de progression qui leur paraissent, désormais, à portée de main. Et c’est tout l’objet des entretiens de coaching placés après les ateliers.
En tant que coach du programme j’ai donc eu le plaisir de retrouver ces managers transformés par les ateliers ; il leur restait à faire passer les apprentissages “dans les muscles”, à les ancrer dans leur pratique quotidienne.