Cheval, leadership naturel et vulnérabilité

Femme dans un pré avec un chevalAujourd’hui nous allons parler cheval avec une amie, Florentine van Thiel. Mais ne vous attendez pas à monter en selle, c’est plutôt de communication et de savoir-être qu’il s’agit. Florentine est équi-coach, elle pratique le coaching assisté par les chevaux ou horse-coaching, une forme de coaching qui permet de travailler notamment son leadership et ses compétences relationnelles. Le cheval est un révélateur puissant et nous guide vers notre leadership naturel. Une discipline tout en finesse, qui mérite quelques explications.

Kolibri : Bonjour Florentine !

Florentine : Bonjour Karine !

Kolibri : Je voulais parler avec toi d’équi-coaching car on en entend beaucoup parler (sous le nom d’équicoaching, horse-coaching, coaching avec les chevaux etc.) Or, ce que j’en vois concrètement ne ressemble pas à l’idée que je m’en faisais – notamment à travers ton travail. Tu peux nous donner ta définition ?

Florentine : C’est du coaching assisté par des chevaux. Les chevaux sont des collègues muets qui utilisent leurs sensations, et expriment ce qu’ils ressentent face à la personne qui vient vers eux. Un ressenti ou un non ressenti, d’ailleurs : s’ils ne sont pas intéressés ils ne font rien !  S’ils le sont, il va y avoir une interaction et un événement relationnel à partir duquel on va travailler.

Kolibri : Et c’est ce que tu peux observer toi en tant que coach qui connais tes chevaux, quand tu les vois réagir ? La différence avec un coaching « classique » c’est que tu as ces collègues qui apportent un ressenti supplémentaire ?

Florentine : Qui apportent une lecture que je n’avais pas forcément prévue, que je n’avais pas vue, c’est un plus qui ouvre une fenêtre différente. Au départ j’ai un éclairage de ce que la personne me dit, et le cheval m’apporte un second éclairage, qui sonne généralement beaucoup plus juste que le mien (rires).

Kolibri: (Rires) Ok, c’est un travail en coopération alors.

Florentine : On peut dire ça, oui. On devient en plus de coach, un facilitant. Facilitant de la relation entre le client et le cheval.

Kolibri: Et concrètement alors, que fais-tu faire à tes clients avec les chevaux ?

Florentine : Moi je ne fais rien faire, je propose d’aller à la rencontre de mes chevaux, j’en ai 5  – 5 collègues qui travaillent avec moi – et j’invite le client à aller à la rencontre du troupeau et de choisir un cheval avec lequel il souhaiterait être accompagné pendant le nombre de séances défini ensemble pour atteindre son objectif.

Kolibri : Il choisit donc ton « collègue » pour travailler avec toi et avec lui.

Florentine : Voilà. Collègue à qui on fait parfois appel ou non, en fonction des besoins ; si l’entretien de coaching est clair, nous n’allons pas travailler avec le cheval qui n’apportera rien de plus. Parfois le client n’en ressent pas le besoin.

Kolibri : Concrètement alors, tu ne fais rien faire, ils sont en relation et tu facilites la relation, c’est ça ? Que se passe-t-il dans ces séances avec le cheval?

Groupe avec un cheval pendant une séance d'équicoachingFlorentine : Déjà le choix du cheval indique beaucoup de choses, ils choisissent un cheval parce qu’il a levé la tête ou qu’il leur tourne le dos, ou qu’ils ont ressenti une très forte émotion, ou qu’il leur rappelle quelqu’un etc. Déjà il y a une bribe d’information sur laquelle on peut travailler ensemble. La 1ère séance dure 1h30 à 2h parce qu’on vérifie en entretien que le problème est bien le problème, puis il y a la rencontre avec les chevaux.

Kolibri : Et après la 1ère séance ?

Florentine : Après la seconde rencontre, on va plus loin dans la définition des attentes vis-à-vis du coaching et dès qu’il y a une petite amorce d’objectif on va voir avec le cheval si c’est bien de ça qu’il s’agit.  J’amène le client avec sa découverte de coaching, pour la mettre en pratique avec le cheval.

Kolibri : Et ça permet de révéler si on est sur le coeur du sujet ?

Florentine : Oui, et souvent on est tout à fait ailleurs ! (Rires) C’est important pour moi parce que ça va me donner des outils pour donner des exercices au client entre chaque session et on ira plus loin la fois suivante.

Kolibri: Grâce à l’éclairage donné par la séance avec le cheval, tu peux réorienter le coaching. C’est un accélérateur finalement ?

Florentine : Exactement, je vais plus vite que sans les chevaux. Je peux prendre des raccourcis et quelquefois même je suis surprise de voir tout ce qui se développe entre les séances : la façon dont la personne me présente les choses, dont elle me les amène, la posture a changé.

Kolibri: les coachs connaissent ce phénomène, mais tu as l’impression qu’il est accentué par le travail avec les chevaux c’est ça ?

Flo : Oui.

Kolibri : Et ton coaching avec les chevaux, il se démarque de celui dont on entend parler le plus à la télévision, qui est relayé dans les medias et qui consiste à placer le coaché dans un rond de longe où il utilise une chambrière pour faire déplacer le cheval sur la piste autour de lui ? Ce n’est pas du tout ça que tu fais, pourquoi ?

Florentine :  Ce type d’exercice c’est faire toujours la même chose que ce qu’on a toujours fait avec les chevaux, c’est mettre une pression, c’est « bouge de là c’est moi qui suis le chef », qu’est-ce qu’on en apprend sinon que c’est ce qu’on fait déjà ?

Kolibri : C’est du leadership directif, non ?

Florentine : Du leadership par la force, en tout cas. C’est peut-être très valorisant de voir qu’on est capable de faire bouger une bête de 500 kilos mais ce n’est pas le but ! Et c’est pareil pour tous les jeux de Parelli utilisés à des fins de coaching : il sont conçus pour apprendre à donner des instructions fines à un cheval avec lequel on a au préalable installé une relation – rien à voir avec du coaching !
Ce qui m’intéresse c’est que la personne reparte de chez moi en ayant découvert quelque chose d’elle-même. Mettre cette personne avec un cheval dans une grande carrière, cheval qu’il a choisi et avec lequel il a une intention qu’il souhaite lui transmettre, c’est autre chose que le mener à la baguette car il arrive que le cheval n’ait pas envie d’être avec cette personne, et mette 20 mètres de distance avec elle !

Kolibri : Et qu’est-ce que ça révèle alors ?

Flo : Par exemple, que la personne prétend être tout le contraire de ce qu’elle est. Elle n’est pas dans l’authenticité, pas alignée.

Kolibri : Elle cache ses émotions ?

Femme avec un cheval, séance d'équicoachingFlorentine : oui ses émotions ou ses intentions, elle peut par exemple montrer des intentions contraires à celles qu’elle a. Le cheval s’en va ! Et met de la distance, jusqu’à ce que la personne prenne conscience qu’il faut qu’elle change quelque chose dans son attitude à elle – et non pas sur le cheval, on ne travaille pas sur le cheval. Or moi ce que je vois dans les séances d’équi-coaching où on fait tourner le cheval en utilisant une cravache ou un stick on travaille sur le cheval !

Kolibri : Oui, on agit sur, on exerce une pression sur.

Flo : Pression de laquelle le cheval essaye de s’échapper en bougeant.

Kolibri : C’est donc apprendre comment exercer une pression sur quelqu’un, ni trop ni trop peu, pour un leadership 100% directif. C’est bien limité comme leadership ! Si je comprends bien, avec ton équi-coaching tu proposes une opportunité d’apprendre sur soi et de changer pour des comportements plus adaptés et plus efficaces. Car dans ton format on n’a pas d’autre moyen d’action que son propre leadership.

Florentine : Exactement, son leadership naturel.

Kolibri : Et si l’on n’est pas aligné, le cheval le renvoie dans son comportement ?

Florentine : Il renvoie la congruence ou la non-congruence. Le cheval accepte de travailler avec la personne si elle a de bonnes intentions, et des intentions claires. Sinon il a le choix de s’en aller ou faire ce qui lui plait ! Si la personne est incohérente dans ses demandes le cheval prend le leadership sur elle. Que peut-elle alors changer en elle pour que le cheval n’ait plus à discuter ou à négocier, à proposer sa façon de faire ?

« Le cheval accepte de travailler avec la personne si elle a de bonnes intentions, et des intentions claires. Si la personne est incohérente dans ses demandes le cheval prend le leadership sur elle. »

Kolibri : C’est devenir un leader naturel alors ?

Florentine : Oui, un leader naturel. Car dans la nature, le cheval du fait de son principe de survie va suivre celui qui a l’air de vraiment savoir où il va. Celui qui est calme, cohérent, qui a des intentions claires, qui va d’un pas ferme d’un endroit à un autre, « s’il va là, c’est que c’est sûrement intéressant. » (Car en plus fondamentalement un cheval est curieux.)

Kolibri : Alors le cheval nous renvoie notre état et nous permet de nous ajuster pour être plus aligné avec nos intentions.

Florentine : Et ça nous permet de découvrir en nous quels sont nos points de développement.

Kolibri : Tu as des exemples de séances avec des clients dans un cadre d’entreprise ?

Florentine : Dernièrement oui avec une jeune femme en atelier « Leadership » qui avait peur des animaux et dans un des exercices elle devait prendre le lead, guider une personne et un cheval. Elle l’a fait merveilleusement  bien mais quand elle a terminé l’exercice, elle a dit « je n’aime pas cette position de leader, je ne suis pas du tout dans ma zone de confort, ma zone de confort c’est de suivre ».Et pourtant vis-à-vis des personnes qui se définissaient comme leaders, elle était beaucoup plus claire, beaucoup plus sensible, à l’écoute et efficace. C’est juste que cette place ne lui convenait pas.

Kolibri : Une leader qui s’ignore alors ?

Florentine : Je pense, oui. Car dans d’autres exercices de cohésion d’équipe, entre autres, elle a systématiquement repéré ce qui n’allait pas. Avec une rapidité incroyable alors que des personnes qui sont des leaders et mènent au quotidien 80 personnes étaient incapables de voir là où ça n’allait pas. Elle, le voyait tout de suite. Son point de développement à elle est d’assumer cette place, arriver à la prendre sereinement.

Kolibri : Et que lui a appris le cheval ?

Florentine : Le cheval lui a permis de reconnaître ses états internes et les accepter pour mieux les intégrer à son fonctionnement. Elle avait une sensibilité qui l’encombrait. Le cheval restait avec elle tant qu’elle ne masquait pas ses émotions, ce qui lui a permis de les découvrir elle-même.

Kolibri : Les chevaux nous acceptent plus facilement si nous acceptons nos émotions (au lieu de les dissimuler) et agissons en ligne avec elles ?

Florentine : Oui, c’est ça.

Kolibri : ça me fait penser à de grands leaders, hommes politiques par exemple, qui sont capables de se mettre en colère en public, d’être émus devant une assemblée etc.  Ils sont alignés avec leur état intérieur et sont pleinement leaders.

Florentine : Le cheval montre de l’intérêt pour ces personnes et du désintérêt pour ceux qui ne sont pas alignés. Et ça va très très vite. Au moment même où la personne est en train d’accepter son émotion, le cheval revient vers elle. La personne se demande alors « mais qu’est-ce que j’ai fait ? » « Tu as simplement reconnu ton état, alors le cheval veut bien être là avec toi. »

Kolibri : Le cheval valide la prise de conscience alors ?

Florentine : Exactement. Il le sent. C’est d’ailleurs quelque chose qui peut se voir physiquement sur la personne.

Kolibri : Et toi alors, à travailler avec tes collègues chevaux, tu as développé une sensibilité différente ?

Florentine : Oui, un peu trop ! (rires) Je fais un peu trop de lectures – qui s’avèrent justes par la suite. Beaucoup des clients que je vois n’utilisent pas leurs capacités sensorielles. Ils sont aussi à leur décharge très sollicités, et pollués de manière constante. J’ai une vie plus proche de la nature, avec mes chevaux. De par mon métier je fais très attention à cela. Et à différencier ce qui vient de moi et de l’autre. Grâce aux chevaux je vois plus, et je ressens plus. Et c’est extrêmement utile.

Kolibri : Si je résume tu es coach, coach avec tes chevaux, ça t’a apporté une sensibilité en plus, eux te révèlent d’autres informations et avec tout ça tu accélères le processus de coaching. Je reviens aux managers ou dirigeants qui veulent développer leur leadership. Que peuvent-ils retirer de l’équi-coaching, en plus de mieux reconnaître leurs émotions et états intérieurs ?

« Les chevaux sont nos maîtres en intelligence émotionnelle et vont nous faire pratiquer uniquement les 90% de non verbal. »

Florentine : Déjà, d’arrêter de se reposer sur la seule communication qu’ils pensent être essentielle, le verbal ; ensuite de faire confiance au fait qu’ils peuvent avoir des intuitions ; de faire confiance à ce qu’ils lisent de l’autre, faire confiance à leur ressenti, à leurs émotions, c’est déjà beaucoup.
Le verbal est très utile mais si on s’en sert comme seul canal on passe à côté de quantité d’informations importantes. Des études ont montré qu’en matière de leadership c’est à 90% le non verbal qui est utile. Et non les 10% sur lesquels on s’appuie. Et c’est ça qui est important dans le horse coaching, c’est que les chevaux sont nos maîtres en intelligence émotionnelle et vont nous faire pratiquer uniquement les 90% de non verbal.

Florentine : D’ailleurs c’est pour cela que je demande aux leaders qui viennent en stage de ne pas parler et je me rends compte que c’est extrêmement inconfortable pour eux. Ils s’appuient là-dessus.

Kolibri : Oui, c’est leur base, leur zone de confort en matière de communication.

Florentine : Mais après coup leur retour c’est « merci de nous avoir décoiffés, de nous avoir apporté d’autres visions des choses ». L’application, c’est une autre histoire. 2 à 3 semaines après un séminaire j’envoie un questionnaire d’intégration qui me permet de voir ce qu’ils ont appliqué, retenu de cette découverte.

Kolibri : Et globalement, sur ceux que tu as eus comme client en horse coaching, quels retours as-tu eus ?

Florentine : Ce que j’ai le plus souvent c’est « bousculé nos certitudes », « merci de ces deux jours car ils me serviront au-délà du leadership dans toutes les situations de ma vie ». Ce sont des cadeaux pour moi ! C’est assez large même si c’est orienté leadership. On est dans du développement professionnel mais en étant bousculé à ce point c’est aussi du développement « personnel ». Ils repartent avec plein d’outils.

Kolibri : Que de joie, que de travail ! (rires) Il est l’heure de quitter cette branche, as-tu un dernier mot pour conclure ?

« Pour moi la vulnérabilité c’est l’essence même de notre humanité, et la reconnaître c’est 50% du leadership. »

Florentine : Oui, j’en reviens toujours à la vulnérabilité. Pour moi c’est l’essence même de notre humanité, et reconnaître notre vulnérabilité c’est pour moi 50% du leadership.

Kolibri : Accepter ses faiblesses, pour soi-même et face aux autres ?

Florentine : Oui, reconnaître qu’on est dans une position pas confortable, donc qui nous rend vulnérable, mais ce n’est pas un problème puisque « j’ai les connaissances, j’ai l’envie, j’ai la motivation et je vais vous emmener avec moi ». Choisir la position de leader, c’est aussi accepter sa vulnérabilité de leader. C’est accepter à l’intérieur des séminaires d’équi-coaching : « Ok, je vais laisser de côté le verbal que je maîtrise et je vais accepter de ne pas être à l’aise. Et ce « pas à l’aise » va me servir quand je vais repartir. »

Kolibri : Pour toi gagner en leadership c’est beaucoup travailler sur cette part de vulnérabilité ?

Florentine : Oui c’est essentiellement ça.

Kolibri : Merci Florentine ! A bientôt.

En savoir plus : Florentine propose aux entreprises des ateliers Leadership, assertivité, management d’équipe etc.
Son site : www.chevalliance.eu

Florentine van Thiel jouant avec ses chevaux avec un ballon

1 Commentaire

    • Catherine MARGOT sur 4 janvier 2012 à 10 h 41 min
    • Répondre

    Bonjour

    J’ai découvert votre site grâce à une amie qui est en lien avec Kolibri et j’ai vraiment trouvé que votre approche est vraiment belle. Poursuivant actuellement une formation d’équicoach à Lavigny, en Suisse, je trouve que votre approche est vraiment respectueuse pour des gens mais aussi et surtout envres les chevaux. Ce type de travail se développe pas mal un peu partout mais rarement dans cet état d’esprit d’authenticité, souvent le cheval est considéré comme un outil et non un partenaire de développement.
    Alors je vous dis merci, pour eux et pour tout ceux que vous coachez, je suis certaine qu’ils se développent en toute humanité et avec un bel ancrage.
    Belle continuation à vous et vos amis à 4 fers!
    Que cette année 2012 vous soit belle et généreuse, remplie de surprises merveilleuses.
    Chaleureusement
    Catherine

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