Manager… un lent

Tortue avançant à son rythmeVous, manager, vous cherchez à avoir une équipe productive. Vous leur donnez les moyens d’être performants, les outils, les conditions de travail et vous attendez des résultats à la hauteur. Parfois, l’équipe comble vos attentes mais voilà, un irréductible contredit vos plans : il ne travaille pas au même rythme que les autres, il se fait désirer, il est plus… lent. Lent comment ? Questions d’échelles personnelles, de motivation, d’efficacité qui n’est pas là où l’on croit. Lent.. ou pas, finalement ?

Quand optimisation est le maître mot, il ne s’agit pas de lambiner. Les impératifs de planning mettent l’équipe sous pression. « Tenir les délais » voire « prendre de vitesse » la concurrence sont des objectifs partagés. Dans ce contexte, avoir un collaborateur plus lent que le reste de l’équipe peut poser problème au manager. Une vision taylorienne du travail voudrait qu’un rendement maximal soit atteint, alors ce lent qui produit 25% de moins que les autres, c’est comme s’il vous manquait un quart d’homme – et comme vous avez atteint votre limite en capacité d’embauche pour le moment, vous trépignez.

Affreux, n’est-ce pas ? Heureusement ce n’est pas tout à fait comme cela que ça fonctionne. Regardons le problème d’un oeil plus réaliste et plus efficace en intégrant d’autres clés de lecture.

1 – Lent ou pas lent ? Raccourcis et préjugés

Vous l’avez étiqueté « lent », ce collaborateur de votre équipe.
Concrètement, comment cela se manifeste :

  • Il effectue les tâches lentement?
  • Ou bien il livre tardivement ?
  • Ou encore, il n’est pas stressé, il parle lentement et ça vous agace ?Je vous entends vous récrier :
    Ah clairement, il est lent, il met un temps fou à livrer ce que je lui demande !
    – Quand je lui envoie un email, il me répond des heures après…
    –  Il est lent, c’est avéré : il reste toujours jusqu’à 20h30 ou 21h alors que ses collègues terminent leur journée à 19h30.

Voyons ces 3 signes extérieurs de lenteur :

1.  Un manque de rapidité

Les faits : ce collaborateur vous donne l’impression de mettre du temps à réaliser une tâche lorsque, faisant un point d’avancement avec lui, vous le trouvez en retard sur ce à quoi vous vous attendiez.

Et si… il était du genre à prendre du temps pour préparer, et agir vite ensuite?
exemple de faux lent : un cadre qui s’y prend au dernier moment et travaille comme une fusée.
Nous avons tous des exemples de personnes qui prennent du temps mais réussissent du premier coup. C’est perdre du temps pour en gagner !
Ils sont par exemple en « priorité Pensée« , définissent ce qu’ils vont faire et agissent quand ils en ont une vision claire ; leur action est alors rapide car efficace et structurée, et le résultat conforme à la demande. Problème : cela peut être inconfortable pour un manager stressé qui a besoin d’être rassuré sur l’avancement du dossier !

Rappelez-vous Lydia l’hyperactive, et le management du stress. En apparence très rapide, elle agit dans tous les sens, refait, se trompe, oublie une partie de la demande ; là où un collaborateur plus lent posé agit dans le bon sens et se montre plus efficace. Ce sont un peu les avantages et inconvénients des drivers « Sois Parfait » et « Dépêche-toi ».

2. Un manque de réactivité

Les faits : alors que tous vos collaborateurs répondent à vos emails en moins d’une heure, l’un d’eux laisse parfois passer quelques heures voire une demie journée. Vous êtes obligé(e) d’aller le voir pour lui demander « tu as vu mon email sur… ? »

Est-ce un manque de réactivité ? Ou bien un vrai sens de l’organisation et des priorités ?

Histoire de Line :
Line structure sa journée de travail selon la matrice Important/Urgent, et se laisse rarement déborder.  Quand son manager Alban lui « tombe dessus » pour une urgence, elle réagit toujours avec calme. Tout l’inverse de ses collègues qui se précipitent pour traiter la demande d’Alban, toutes affaires cessantes. Line préfère traiter les choses dans l’ordre qui lui semble le plus efficace, et achever les tâches sans se laisser interrompre continuellement. Elle trouve qu’Alban est un manager éparpillé qui gère curieusement les priorités. De l’extérieur, et surtout pour Alban, Line est lente. Pourtant seules ses réactions sont lentes, en réalité elle est aussi productive que le reste de l’équipe – d’autant qu’elle n’a pas leur excès de stress.

Alors, réactivité = efficacité ? Le débat est ouvert !

3. Des journées à rallonge

Les faits : le collaborateur fait souvent la fermeture et connaît tout le personnel d’entretien du bâtiment ainsi que le gardien de nuit.
Vous pourriez en déduire qu’il travaille lentement.
Il y a pourtant bien d’autres explications possibles : forte implication, fin de période d’essai, problèmes de couple, …
Nous verrons plus loin comment manager les collaborateurs perfectionnistes, très soucieux de bien faire, qui parfois se trompent sur les attentes de l’entreprise.

2 – Echelles et réalités

Nous voyons dans les exemples qui précèdent que le lièvre, la tortue et leurs amis ont encore de beaux jours devant eux. En la matière, les meilleures ennemies du manager sont l’erreur de perception et les croyances liées à la rapidité.

Une autre question à considérer est celle de l’échelle de mesure.
Au final, sur quelle échelle vous basez-vous ? A l’aune de qui et de quoi faites-vous la comparaison ?
Si vous êtes un leader de type Chef de file ou « Pacesetter », vous êtes sans doute entourés de lents, non ? (D’ailleurs vous faites le travail à leur place, puisque ça ne va pas assez vite.)
Et si vous gérez une crise en mode directif vous attendez des résultats immédiats ?

Autre piste de réflexion : voir en quoi cette lenteur perçue vous dérange (dans vos objectifs ? vos valeurs ? votre tempo personnel ?) Et en quoi c’est un réel problème pour l’organisation (besoin de performance, inégalité de traitement etc.)

Si c’est un vrai lent selon vous, passez au point suivant :

2 – Manager un « vrai » lent

Entendu, votre collaborateur travaille vraiment plus lentement que le reste de votre équipe et c’est un problème pour vous.

Que faire alors ?

2 cas :

a) Il est lent malgré lui

Il lui manque peut-être des capacités ou des ressources pour travailler aussi vite que vous le lui demandez.
A vous, Manager, de voir avec lui ce qui lui manque, ce qui le freine. Peut-être est-il consciemment compétent dans la tâche que vous lui demandez, c’est-à-dire encore en cours d’apprentissage, il n’a pas encore d’automatismes.
ex : un commercial qui commence à faire les budgets des dossiers qu’il défend et n’est pas familier de votre approche budgétaire.

Autre option : il prend plus de temps que souhaité car il est perfectionniste. 
Comment s’y prendre ? Il est primordial de lui donner des objectifs clairs, de le recentrer sur les priorités, de clarifier avec lui ce qui est attendu de lui, quel niveau de qualité, quel délai etc. Là, l’écoute active et la reformulation seront vos alliées !

Dans ces objectifs partagés, il peut être intéressant de vérifier les impératifs temporels : plannings, « deadlines » etc.
Si vous avez déjà observé le déroulement d’un projet sans planning, vous avez pu constater qu’il avance… plutôt lentement voire s’éternise !
D’après la Loi éponyme de Cyril Northcote Parkinson (1958), « tout travail tend à se dilater pour utiliser toutes les ressources qui lui sont imparties ». A ce compte-là, tout collaborateur peut être lent si le délai n’est pas adapté à la tâche !

 

b)  Il est volontairement lent

C’est peut-être un adepte du slow. Ou quelqu’un qui aime simplement faire les choses tranquillement (sans s’adapter à votre entreprise survoltée).
Ex :  un jour vous vous apercevez que Dan ne vous livre pas ses travaux dès qu’il les a terminés. Il se garde un peu d’air, des temps de respiration, il maîtrise ainsi son temps et son rythme de travail.

Autre option : il manque de motivation et travaille en-dessous de ses capacités.
A vous de voir si c’est sur tous sujets ou seulement sur certains.
Ex : un cadre qui  est lent pour ce qu’il n’aime pas faire et rapide pour ce qui lui plaît.
En effet, la lenteur peut aussi marquer un manque d’engagement, ou un vrai désengagement – avec la résistance passive.

Et l’environnement de travail ?

Au passage, vérifiez les éventuels facteurs de ralentissements dans l’environnement du collaborateur : open space, nombre d’interruptions, absence de méthodologie, consignes contradictoires, réorientations fréquentes du travail etc.

A vous ! Questions de coach :

  • Avez-vous un(e) lent(e) dans votre équipe ?
  • Concrètement, à quoi voyez-vous qu’il est lent ? Comment sa lenteur se manifeste-t-elle ?
  • Avez-vous vérifié les différentes pistes évoquées plus haut ?
  • Si oui, quelles sont vos conclusions ? Qu’allez-vous faire ?

Lire : Eloge de la lenteur – Carl Honoré, Marabout, 2005

Photo : Pas d'utilisation commerciale Certains droits réservés par antoine pasquier-desvignes

 

 

4 Commentaires

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    • sita sur 7 septembre 2012 à 17 h 44 min
    • Répondre

    Ah d’accord (concernant la correction). Eh bien j’attends avec impatience l’article sur l’urgence alors. Merci bien pour cet article qui permet de décomplexer et de calmer cette tendance que les gens comme nous avons à nous dire « je suis moins bien parce que j’avance moins vite ».

    • sita sur 5 septembre 2012 à 3 h 27 min
    • Répondre

    Bonjour,

    J’ai beaucoup aimé votre article parce que je ne suis pas manager, par contre je me reconnais dans ce terme de « lent ». D’ailleurs je suis vraiment intéressée si vous aviez d’autres articles sur le meme sujet à m’envoyer.

    Juste une petite chose. Il y a une faute dans cette phrase : « Ex : un cadre qui est lent pour ce qu’il n’aime pas faire et rapide pour ce qui lui plaît. » Ce serait plutôt « … pas faire est rapide pour ce qui lui plaît » parce qu’il s’agit du verbe être.

    Encore merci

      • Karine sur 5 septembre 2012 à 14 h 53 min
      • Répondre

      Bonjour Sita,

      Merci de votre message ! Je n’ai pas d’autres contenus sur ce sujet pour le moment mais cela pourra arriver, notamment au travers d’un article sur l’urgence qui va paraître bientôt.

      Pour la phrase « Ex : un cadre qui est lent pour ce qu’il n’aime pas faire et rapide pour ce qui lui plaît. » c’est bien « et » que je voulais utiliser, ce cadre est à la fois lent pour ce qu’il n’aime pas faire ET rapide pour ce qui lui plaît ;)

      • Rose sur 23 avril 2013 à 4 h 35 min
      • Répondre

      Sita, c’est en mettant un Est qu’il y a une faute dans la phrase. Le Et est bien à sa place. En mettant Et (sous-entend Et qui est rapide….).
      Merci!

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