Nous avons vu dans l’article sur Simplifier le problème, qu’un travail de clarification était essentiel avant de s’y attaquer. Une fois le problème mieux dégagé, reste à le rendre accessible à une solution. Pour cela, bien poser le problème, en remettant la personne au centre de ce qu’elle veut changer. Et en l’aidant à trouver sa marge de manoeuvre pour modifier la manière dont son problème tourne, de manière systémique.
En vertu de l’idée qu’ “un problème sans solution est un problème mal posé” (Einstein), nous pouvons travailler à bien poser le problème. Pour cela, commençons par questionner le client de manière systémique :
- comment se comporte-t-il, quand le problème apparaît ?
- que fait-il pour le résoudre ?
- quelle est son influence sur la situation ?
- au vu de tout cela, qu’a-t-il besoin de changer pour faire bouger son système ?
Ainsi nous nous recentrons avec le client sur sa propre personne et son influence sur la situation. Ce qui s’avère très intéressant dans les situations où il est persuadé de n’avoir aucune prise. Ou bien que le changement doit venir des autres.
Recentrer le débat sur la personne et son influence sur la situation
Un exemple :
Mais alors, quoi qu’il fasse, son destin est entre les mains de son N+1 ? Avant d’en conclure avec Franck à cette sinistre perspective, vérifions quand même s’il n’aurait pas quand même une toute petite influence…
S’il devait par exemple accélérer l’arrivée de ce moment où son chef le vire – mettons pour en finir plus vite avec cette torture – que pourrait faire ou dire Franck ?
Quand on alimente le feu sans le vouloir
Ses réponses le mènent sur une piste : son chef s’énerve principalement quand il doit relancer Franck au sujet d’une réponse ou d’un document qu’il n’a pas remis dans les délais. 9 fois sur 10, c’est ce qui déclenche l’irritation du manager. Une fois cette boucle d’interaction identifiée, Franck se sent un peu mieux : il sait d’où peut venir le “coup”. Il retrouve du pouvoir sur la situation. Mieux, une fois son problème défini plus concrètement, Franck a moins peur d’être licencié. De la plainte initiale “au secours je ne veux pas me faire encore virer !” à “Comment mieux travailler avec mon chef pour éviter de le faire monter dans les tours”, le problème vécu par Franck devient plus concret et accessible à une solution.
Une autre manière de rendre le problème accessible à une solution, c’est de modifier les termes de l’équation apportée par notre client.
Réécrire l’équation-problème pour qu’elle devienne soluble
Si nous allons voir un coach, c’est souvent que nous ne trouvons pas la solution seul.e. Même si parfois, nous avons la solution, mais il nous manque un coup de pouce, un encouragement, ou une permission, pour l’appliquer. Il se peut aussi que nous ayons du mal à bien poser le problème. Quand ça bloque, regardons la manière dont la personne pose son problème ou son objectif.
Exemple 1 : “Je voudrais être respecté.e mais sans faire preuve d’autorité.”
Pourquoi pas, mais la condition posée limite le champ des possibles. C’est ce que j’appelle les demandes “l’omelette, mais sans casser les oeufs”.
Exemple 2 : “Aidez-moi à mieux gérer mon temps pour arriver à tout faire.”
Celle-ci me fait penser au moment où une femme (le plus souvent) appelle son conjoint pour qu’il s’assoie sur sa valise qu’elle n’arrive pas à fermer. Pleine à craquer, comme l’agenda. On en ajoute encore, ou on envisage la douloureuse perspective d’en enlever ?
Exemple 3 : “Je voudrais m’assurer que ça va bien se passer dans cette prise de poste, je ne peux pas me louper”
Posée comme ça, la demande a quelque chose de l’attente magique. Mettre en place les actions nécessaires pour réussir, oui. Mais quand la personne n’imagine pas que cela soit autrement, il est important de l’aider à envisager un plan B. Histoire de faire baisser cette pression sur le plan A. Une pression qui risque de l’amener à échouer (par excès d’efforts, par manque d’attention aux feedbacks etc.)
Exemple 4 : “Je ne me sens pas légitime dans mon poste de manager et j’en souffre quotidiennement”
Une jeune manager arrive avec ce problème et sa démarche pour le résoudre est de chercher en elle-même à construire sa légitimité (elle essaye de se rassurer, de lister ses qualités etc.) Faute d’y être parvenue, elle demande à un coach de l’y aider. Elle voudrait faire un test de personnalité, avoir le retour du coach sur ce qu’elle renvoie, etc.
Cette femme très volontaire cherchait activement ce qui lui manque. Mais elle le cherchait peut-être au mauvais endroit : dans sa tête ou celle du coach. Elle a trouvé plus de réponses quand elle a commencé à demander du feedback à certains membres de son équipe, puis à son N+1. Elle y vu plus clair sur les points où elle était légitime et sur ce qu’elle avait encore à améliorer. Forte de ces retours encourageants, elle est passée à l’action. Elle a mis en place des projets avec son équipe. Et quelques mois plus tard, les questions de légitimité étaient de l’histoire ancienne.
Une vision systémique
Ce dernier exemple nous montre comment les problèmes humains prennent la forme de cercles vicieux :
cette manager ne se sentait pas légitime
=> elle cherchait à résoudre ce problème dans sa tête et en attendant, ne mettait rien en place avec son équipe
=> de là, la relation avec l’équipe n’était pas satisfaisante, et le bilan de la manager non plus
=> et la manager ne se sentait pas légitime.
Repérer les boucles dans un problème permet aussi de travailler au bon niveau quand plusieurs problèmes sont enchâssés.
Travailler au bon niveau, et éclairer la logique d’ensemble
Comme souvent dans ces situations, Stéphanie ne sait pas par quel bout prendre le Problème. Et pour cause ! Tout est lié. Le travail du coach systémicien consiste à comprendre le mouvement d’ensemble, les boucles interactionnelles. Et à proposer de partir du Problème le plus urgent ou de celui qui permettra le changement le plus facile pour modifier la dynamique d’ensemble.
Dans cet exemple, le problème qui a déclenché le coaching est une conséquence des difficultés vécues par Stéphanie, notamment ses problèmes 1 et 2. Elle me dit qu’elle n’a pas un style très directif habituellement. Mais que dans ce contexte où elle sent une pression de sa hiérarchie et peu de feedbacks encourageants, elle essaye d’être irréprochable dans son travail et de demander à son équipe de donner le meilleur.
A partir de là, nous pourrions travailler avec elle sur cette pression qu’elle se met, distinguer la part juste dans cette pression et la part “en trop”, qui devient contre-productive. Cette démarche mérite d’impliquer la direction de Stéphanie, ne serait-ce que pour clarifier ensemble les attendus vis-à-vis de cette manager très investie.
De là, nous pourrions travailler avec Stéphanie sur ses représentations d’un “bon travail” et de “la reconnaissance de sa hiérarchie”… Une possibilité parmi d’autres !
Pour conclure, cette citation que j’aime beaucoup, un pied de nez à notre insistance à vouloir trouver des solutions :
« Il n’est pas de problème dont une absence de solution ne finisse par venir à bout. » Henri Queuille (Homme d’Etat, XXe s.)
2 Commentaires
Bonjour Abdelaziz, merci de votre commentaire. Effectivement je me base sur l’approche systémique, qui prend sa source notamment dans la cybernétique et la théorie de l’information. À l’origine, une affaire d’ingénieurs… et de mathématiciens ! Si vous lisez les ouvrages de Paul Watzlawick, vous verrez qu’il parle souvent de logique et de maths. L’approche systémique de l’École de Palo Alto s’appuie sur ces fondations « matheuses » ainsi que d’autres bases issues de plusieurs disciplines : anthropologie, psychologie notamment.
Très bon article
Je ne sais pas votre cursus
Mais en tant que physicien et ingénieur
J’ai remarque que vous utilisez des principes de la physique l’automatisme maths
Bon courage
Je vais lire l’article de sim0lification du problème