Résoudre un problème en coaching : 1 – simplifier et clarifier

Sac de noeuds à travers lequel passe une lumièrePour un coach qui aide à la résolution de problèmes, il est courant de voir arriver la personne en première séance avec la tête encombrée et douloureuse : “je ne sais plus par quel bout prendre le problème”, “j’ai tout essayé”, etc. Le coach peut alors accompagner à voir plus clair, à réduire l’énorme sac de noeuds. Ce qui suppose de ne pas tirer sur plusieurs ficelles à la fois. Sous peine d’aggraver encore l’emmêlement chez son client – voire, dans la tête du coach car l’embrouillamini est contagieux. Comment peut faire le coach pour faciliter la réduction des problèmes et les rendre, comme nous le disons, “accessibles à une solution” ? Voici quelques… “cordes” à l’arc du métier, si j’ose dire.

Quand une personne vient nous voir pour chercher de l’aide c’est souvent qu’elle a déjà essayé par elle-même sans succès. Notre rôle est de l’accompagner à adopter une autre approche, changer d’angle pour ouvrir le champ des possibles.

En vertu du principe selon lequel “Ce ne sont pas les choses qui nous font souffrir mais l’idée que nous en avons” (Epictète), le coach facilite la prise de recul chez son client. Le but : que celui-ci regarde sa situation sous un angle plus propice à une recherche de solutions.

En premier lieu, le coach propose à son client de faire passer à son/ses Problème(s) un examen rigoureux afin d’en sonder la densité et d’en circonscrire les contours. Car un bon coach est paresseux : il n’a pas envie de travailler sur un problème qui n’en est pas vraiment un ! Et tant qu’à faire, il préfère aussi que le problème soit posé comme une équation soluble…

Simplifier le problème

Ainsi, une première étape pour ne pas travailler pour rien, c’est de démêler le sac de noeuds : ce mélange complexe de faits, de perceptions, d’opinions, de croyances, de solutions que la personne a tentées, qui crée une réalité nommée “problème”.

Nous voyons le problème comme une construction de l’esprit. Cela ne veut pas dire que le problème n’existe pas, car il est bien réel et parfois douloureux, mais plutôt qu’il est fait de nos représentations.

Dans ma pratique, j’agis de plusieurs manières pour redéfinir le problème. En particulier :

  • j’aide à dégraisser pour trouver l’os, et permettre au client d’y voir plus clair et se concentrer sur ce qu’il veut changer
  • j’aide à dédramatiser sans minimiser : poser un regard non normatif, déculpabilisant

Pour cela, on commence par revenir aux faits et au concret observable, en remettant les interprétations à leur juste place : des hypothèses à vérifier. Dans un certain nombre de cas, le problème avec lequel le client arrive se clarifie au fil du questionnement. Et laisse parfois apparaître un Problème bien différent, mais c’est une autre histoire et nous y reviendrons.

1. Dégraisser pour trouver l’os

Simplifier le problème c’est déjà le circonscrire, car l’humain a parfois tendance à généraliser ce qui lui arrive. En effet, c’est ainsi que nous construisons une vision cohérente de notre environnement : le bus 154 est toujours en retard, le directeur marketing rejette toujours les idées des autres avant de les resservir comme étant les siennes, les représentants du personnels sont tous belliqueux, etc. Ces généralisations nous simplifient la vie : face au prévisible, nous savons réagir. Mais elles restreignent beaucoup nos possibilités d’action, et elles gonflent nos difficultés jusqu’à en faire parfois des montagnes insolubles.

Annabelle a un “problème de management”

Annabelle fait appel à un coach car elle pense avoir un problème de management : elle n’arrive pas à “être respectée” de son équipe, à “être légitime à leurs yeux”. Concrètement, comment cela se manifeste-t-il ? Qui fait quoi, précisément, qui montre à Annabelle qu’elle n’est pas respectée ? Combien de fois est-ce arrivé ?

Annabelle entre dans le détail et les faits. Après examen, voici sa conclusion :
– avec 5 de ses 8 collaborateurs, elle se sent plutôt entendue ; ils effectuent en général les tâches demandées et ne font rien qui montrerait un manque de respect ou d’écoute de leur manager
– 2 autres font leur travail à leur manière, déviant parfois de ses recommandations. Mais elle reconnaît qu’ils sont très autonomes, seniors sur leurs postes. Est-ce un manque de respect envers elle ? Ou bien plutôt, ils n’ont pas besoin de ses recommandations et s’en passent sans faire d’histoire ? Annabelle décide qu’elle va en parler avec eux pour expliciter leur manière de travailler ensemble, ce sera plus confortable pour elle. Pas besoin d’en parler davantage en coaching.

Finalement, Annabelle se recentre sur le 8e membre de son équipe, Juan, qui lui donne du fil à retordre. Elle n’arrive pas à le cadrer, ni dans ses horaires, ni dans son comportement. Et effectivement, en écoutant Annabelle décrire quelques situations récentes avec ce collaborateur, il apparaît qu’il est en roue libre depuis plusieurs mois. Et il ne fait pas ce qu’Annabelle lui demande.

Nous voilà passées de “je ne suis pas respectée de mon équipe” à “je n’arrive pas à faire changer de comportement un collaborateur”.” Ce qui n’est pas vraiment la même chose ;) En explicitant ce qui lui pose problème, Annabelle a recadré sa perception de la situation, d’une manière plus constructive pour elle.

A la fin du premier entretien de coaching, Annabelle conclut même “Je commence à me dire que je n’ai peut-être pas un problème de management, mais que Juan est vraiment difficile à manager pour moi !” Le problème est recadré, c’est-à-dire que la perception en est modifiée, d’une manière qui redonne un pouvoir d’action à Annabelle : désormais sa question est “que puis-je faire de différent et quelle marge de manoeuvre ai-je pour changer ma relation avec ce collaborateur ?

Annabelle pensait ne pas être à la hauteur du rôle de manager qui lui était échu ; elle va désormais se concentrer, dans son coaching, sur une difficulté spécifique qu’elle vit dans ce rôle. Comme un tennisman qui aurait remis en question toutes ses capacités, avant de réaliser que le match est rendu difficile par les revers croisés de son adversaire. Et que c’est sa réponse à ces revers, qu’il a besoin de travailler.

“Dégraisser pour trouver l’os”, c’est questionner et questionner encore, et écarter au passage les simples difficultés dont le client dit qu’il fait son affaire. Pour se concentrer, ensemble, sur ce qui pose vraiment problème et que notre client ne parvient pas à résoudre.

Déconstruire une généralisation autour d’une difficulté et casser l’effet d’amalgame, c’est un premier tri souvent utile pour rendre le problème accessible à une solution. Une autre approche, complémentaire, consiste à reconsidérer le caractère “anormal” et donc problématique, de ce que vit notre client.

2. C’est grave, Docteur ? ou comment dédramatiser sans minimiser

Même passés au tamis des faits, certains problèmes restent conséquents. Nous pouvons alors agir sur la manière dont la personne les vit.

Je vois essentiellement deux facteurs qui nourrissent un problème :

  • la personne souffre d’un écart qu’elle perçoit par rapport à une norme, écart qu’elle considère problématique : je suis moins charismatique que mon prédécesseur ; je suis trop directive ; je manque de motivation dans mon travail, etc.
  • la personne se soucie de problèmes futurs : “Je risque de ne pas atteindre mes objectifs annuels, je vais me faire virer c’est sûr…” Elle cherche à avoir prise sur l’avenir.

Intéressons-nous à l’écart par rapport à une norme. Comment la personne le mesure-t-elle et comment le vit-elle ? Attention : il ne s’agit pas de minimiser le problème , car il est bel et bien vécu comme un Problème par le coaché. D’ailleurs son entourage a parfois tenté de le rassurer ou l’apaiser (“Ce n’est pas si grave, relativise…”) sans succès.

Nous accueillons donc la boule au ventre, le stress aigu, ou la colère qui brûle l’estomac. Et cherchons à voir avec les yeux du coaché, en partant de sa vision du monde, ce qui lui pose problème. Ce questionnement d’anthropologue, sans a priori, met au jour l’écart entre ce que la personne vit (ce qu’elle fait, ne fait pas, ce qu’elle ressent) et ce qui lui semblerait “normal” : bien, adapté, juste, suffisant etc.
Et c’est précisément cette norme de référence de la personne ou de son entourage, avec laquelle le comportement ou le ressenti du coaché ne cadre pas :
je manque d’enthousiasme alors que j’ai toutes les raisons d’être heureux
– je suis lente, je comprends moins vite que les autres, on ne va pas me confirmer après ma période d’essai
etc.

Questionner les faits et comprendre les critères de « normalité »

Quand l’écart crée un problème, il est intéressant de questionner les faits et la norme de référence. Par exemple :

  • vérifier les attentes réelles de l’environnement, ce qui peut recadrer l’idée que la personne en avait. Exemple : un manager craignait de ne pas être assez présent pour son équipe, et que cela lui soit reproché. Après vérification, cela convenait à l’équipe et au N+1
  • sortir de la comparaison douloureuse, car chacun a le droit d’être comme il est : il est plus constructif de se demander “est-ce que ce que je fais fonctionne dans mon contexte ?” Comme cette femme qui avait une relation très affective avec son équipe, à les appeler “mes bichons” et “mes petits loups”. Cela étonnait sa hiérarchie, mais fonctionnait plutôt bien avec cette équipe
  • prendre en compte le contexte, quand le vécu ou le ressenti est perçu comme anormal : dans ce contexte, il y a de quoi ressentir ces émotions. Et dans cette situation, pouvez-vous vraiment faire beaucoup mieux (que d’être abattu / stressé / inquiet…) ?

Là encore attention, il ne s’agit pas de nier ni minimiser, mais de réduire le problème à sa juste taille. Et pour cela, rechercher la “part en trop” qui mérite une régulation.

Normal ou pas ? Identifier la part en trop

Je cite ici un exemple fourni par un confrère, François Simonot, thérapeute, formateur et superviseur, dans une conférence (1). Il raconte l’accompagnement d’une jeune fille phobique des insectes. Il lui propose de noter l’intensité de sa peur à chaque fois qu’elle rencontre un insecte. Elle revient et témoigne avoir touché le 80 sur 100 avec une araignée dans sa douche. Le thérapeute demande à la jeune fille, à combien sa soeur aurait eu peur dans les mêmes circonstances. “60”, répond la jeune fille, qui conclut avec une joie nouvelle : « Mais alors mon problème n’est pas entre 0 et 80, mais seulement entre 60 et 80 ! Mon problème est donc de 20, pas de 80 ! Alors à 20 près, je suis assez normale, non ? »

Essayons. Quelle est la part en trop dans :

  • votre peur de parler en public ?
  • le niveau d’exigence dans votre travail ?
  • votre côté directif avec vos équipes ?
  • la colère que vous ressentez et exprimez trop souvent à votre goût ?

C’est-à-dire, quelle part est problématique, où est vraiment l’excès s’il y en a un ?

Distinguer cette part en trop apporte généralement deux bénéfices : on peut travailler sur ce qui constitue réellement un problème, et la personne se sent moins “anormale”.

Un autre exemple : une mère de deux petits en bas âge, pleure à chaudes larmes parce qu’elle se trouve nulle de ne pas réussir à combiner job, famille, couple etc. Elle se trouve trop irritable, avec des montagnes russes émotionnelles. Elle n’arrive même plus à profiter de ses week-ends. “Les autres y arrivent bien !” répète-t-elle. Quels autres ? A-t-elle des exemples ? Au fil de l’échange elle s’apaise : “Je me rends compte que je suis peut-être trop exigeante avec moi-même.” Avec l’emploi du temps qu’elle décrit, qui s’en sortirait mieux ? Elle change de perspective et décide de gérer différemment : désormais elle acceptera mieux les moments de fatigue, se reposera si nécessaire et cherchera aussi de l’aide (elle prendra une nounou pour les sorties de maternelle).

Le problème est l’écart entre ce qu’elle pense devoir accomplir et sa norme, un peu idéale. Dans son cas, l’écart s’est réduit au fil du questionnement. Dans d’autres cas l’écart persiste mais est perçu comme moins problématique qu’au départ.
Exemples : “Je devrais réussir à ce poste au bout de 6 mois vu mes capacités et mon expérience. Il n’y a aucune raison que je sois ainsi en difficulté.” Après examen de la situation, cette personne mesure à quel point le contexte de l’entreprise est largement défavorable.

“Je suis mauvais manager car je n’arrive pas à motiver mon équipe” – sauf que le contexte est démotivant, et le manager, pas magicien. Quel serait alors un objectif plus réaliste en tenant compte des circonstances ?

Questionner pour changer la perception du problème

Comment questionner pour assouplir la perception du problème ? En s’intéressant à ce fameux écart entre ce qui est et ce que le client voudrait atteindre :

  • Il y a un écart, soit, mais à quel point ?
  • Et alors ? Quel problème cela pose concrètement ? Dans quelles situations ? A quoi le voyez-vous ?
  • En quoi est-ce gênant pour vous aujourd’hui ? Quelles sont les conséquences pour vous ?
  • Qu’en pensent ceux qui vous entourent ? Que pensez-vous de cette opinion ? (Car parfois, c’est le regard de l’entourage qui nourrit l’idée d’une anormalité à résoudre)

Pour conclure, ne partons pas trop vite en recherche de solution avant d’avoir vérifié ce qui fait vraiment problème, et bien posé l’équation de ce problème.

Car comme disaient les Shadoks, “Quand il n’y a pas de solution, c’est qu’il n’y a pas de problème.”

Prolonger :

 

(1) Communication à la XVIIIème journée de rencontre de Paradoxes, le 12 octobre 2019
Aleksandra Kosinska, psychologue clinicienne, thérapeute, coach, formatrice.
François Simonot, thérapeute, formateur, superviseur.
Source : https://www.paradoxes.asso.fr/2019/11/petits-fragments-de-conversations-therapeutiques-systemiques/

2 Commentaires

    • Keren-Sarah Amsili sur 22 septembre 2020 à 22 h 29 min
    • Répondre

    Merci beaucoup pour cet article éclairant et auquel je souscris complètement.

    1. Avec plaisir ! Merci de votre commentaire. A quoi souscrivez-vous en particulier ?

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