Le timing, voilà une compétence intéressante pour un dirigeant, pour un manager. Choisir le bon timing pour lancer un produit, apparaître sur le marché, démarcher des investisseurs… mais aussi au quotidien, le bon timing pour passer un message ou formuler une demande. Une compétence technique, et une compétence relationnelle qui découle de l’intelligence émotionnelle et sociale.
Vous avez besoin d’avoir une discussion importante avec un collaborateur. Vous y êtes prêt(e), vous avez une stratégie, un plan, vous savez ce que vous voulez et comment le formuler (bravo, vous savez déjà formuler des demandes claires et passer des messages !)
Parfait mais… avez-vous pensé au timing ?
Un mauvais timing risque de vous mener au flop, de ruiner vos éventuels efforts.
Quand ce n’est vraiment pas le moment
Le timing peut être mauvais pour mille raisons : votre interlocuteur est sous stress, occupé, pressé, contrarié par un autre sujet, déjà en mode weekend, épuisé etc. c’est-à-dire pas à l’écoute. Vous savez ce moment où vous parlez, parlez, et votre interlocuteur finit par vous dire « oui, tu disais ? Excuse-moi je n’ai pas écouté. » Pire, il ne dit rien, écoute en apparence, mais intérieurement il n’est pas là.
Autre cas : vous tentez de passer un message en plein milieu d’un échange animé. Quand les esprits s’échauffent, quand on « monte dans les tours », bref que vous parliez en Celsius, tours, bars ou que vous consultiez un anémomètre, dans tous les cas le chiffre indiqué est trop élevé pour passer des messages ! Ce n’est vraiment pas le moment.
Et c’est tout humain, d’avoir des moments où l’esprit n’est pas disposé à recevoir des informations. Des moments où comme on dit « il n’y a rien à en tirer. »
Comme un enfant qui n’a pas assez dormi,
ou avec homme qui fulmine,
ou encore une femme qui panique devant son agenda trop plein :
parfois l’humain n’est plus dans la pensée, il est tout action ou tout émotion. (voir l’index de conscience)
Et c’est à ce moment-là que vous arrivez, bien décidé à discuter avec son cortex. Quelle idée !
Ne pas considérer le timing (volontairement ou non) c’est un peu passer en force, aller contre la nature – à l’opposé de la Voie (Tao). Ainsi la sagesse voudrait que l’on diffère sa démarche en attendant le fameux « bon timing ».
Super, Kolibri, c’est très joli mais dans la pratique… mon entreprise, mes clients, ils n’attendent pas !
Un arbitrage nuancé pour + d’efficacité
Effectivement ! Il ne s’agit pas d’une règle absolue, mais d’un arbitrage nuancé pour une meilleure efficacité. Dans la pratique on constate que souvent nous avons le choix de différer une action à un moment plus juste, plus efficace. Quand nous mesurons l’impact du timing sur le résultat, nous le considérons davantage dans nos choix.
Notez avec moi la qualité des timings dans les exemples suivants,
de 0 – Désastreux (mais il/elle le fait exprès ?!) à 5 – Excellent.
Considérez dans la note :
– l’efficacité sur la situation (la demande a-t-elle des chances d’aboutir?),
– l’effet sur la relation à l’autre,
– l’effet pour soi-même.
John ferme sa session sur son ordinateur, se lève, prend sa veste et la direction de la sortie, heureux de partir retrouver sa belle qui l’attend et c’est pile le moment que choisit son manager Ray pour lui demander des infos sur un projet. Ce que Ray pourrait faire demain matin mais… l’idée lui vient juste maintenant, et John est payé pour répondre à son manager non ?
Alors, quelle note pour le timing de Ray ? Je dirais : 1, timing pas terrible. Et même 0 s’il est déjà 20h30, que John mentionne qu’il a un rendez-vous et que Ray insiste.
Efficacité de la demande : médiocre, John risque de répondre de donner des infos lacunaires, car il est pressé.
Effet sur la relation : John va peut-être se dire que son manager ne respecte pas son agenda.
Effet sur Ray lui-même : non significatif – si Ray a eu cette démarche, c’est que probablement il ne craint pas de réaction négative (ou que cela ne l’arrête pas).
Miranda voudrait annoncer à son manager Walt que la production accuse un retard et qu’elle va devoir l’annoncer au client. Elle aimerait que Walt intervienne en tant que Directeur, le message passera mieux. Quand elle entre dans son bureau, Walt est en train de conclure une conversation au téléphone qui l’a manifestement agacé. Miranda tient à régler son propre problème tout de suite, elle attend donc que Walt raccroche et lui raconte ce qui l’amène.
Combien pour ce timing de Miranda ? Je donnerais 2, et vous ?
Efficacité de la demande : rien n’est sûr, il y a un risque, celui que Walt réponde à Miranda de se débrouiller, qu’il en a assez de ces problèmes qui s’accumulent.
Effet sur la relation : NC.
Effet sur Miranda : si Walt l’envoie sur les roses, elle repartira seule en ajoutant à son problème – resté entier – l’impact émotionnel de cet échange avec Walt.
Impatience, stress et besoins
Quel est le point commun entre Ray et Miranda ?
L’impatience ! Le besoin d’avoir une réponse immédiate à une question qui peut attendre demain et gagnerait à être différée du point de vue de l’interlocuteur.
C’est l’un des freins au bon timing : le driver « Dépêche-toi », cette impatience qui vient d’un stress et en génère davantage.
Si nous demandons à Ray et Miranda de tenir compte de cette notion de timing, que vont-ils répondre ?
Ray : « Je n’ai pas que cela à faire »,
« Les équipes sont là pour travailler »,
« Il a bien 5 minutes à me consacrer »
Miranda : « Mon problème est important »,
« Mon manager doit savoir tout gérer et rester disponible pour nous »
Miranda me fait penser à ces enfants qui harcèlent leur papa en plein exercice de peinture du plafond, concentré pour ne pas laisser de traces de rouleau : « Papa Papa, il faut que tu viennes voir nos dessins tout de suite ! » Chacun son urgence !
Il y a une autre motivation sous-jacente chez Walt, outre l’impatience, c’est qu’il considère que ses collaborateurs sont à sa disposition. Walt est le type de leader Directif (« Commanding » en anglais). Ne pas être obéi, ça le stresse.
Dans la balance, le timing pèse peu, les besoins pèsent lourd. Priorité à l’urgence. D’ailleurs la gestion des priorités, clé en entreprise, c’est aussi une histoire de planification et de timing !
Or faire tout de suite évite de planifier, de noter, de se rappeler. Ceux qui n’aiment pas planifier sont fâchés avec le timing.
Un bon timing se cueille comme une opportunité immédiate (« tiens, mon boss seul à la cafétéria et il a l’air de s’ennuyer, j’en profite ») mais plus souvent se laisse désirer et demande de la patience. Faites-vous chat !
Impatience, mauvaise gestion de notre stress, incapacité à planifier ou leadership directif : voilà comment il nous arrive d’avoir un timing désastreux qui ferait dire à notre interlocuteur « non mais tu le fais exprès ? tu vois bien que ce n’est pas le moment ».
Comme ces enfants qui tannent leur papa en pleine peinture du plafond (ou conversation sérieuse avec leur maman), pour qu’il vienne voir tout de suite les dessins qu’ils viennent de faire. Impatients et directifs eux aussi – et puis, ils vivent dans l’instant présent, et pour eux le bon timing, c’est tout de suite.
Voici un extrait des Caractères de La Bruyère, qui traite du mauvais timing :
« Du contre-temps
Cette ignorance du temps et de l’occasion est une manière d’aborder les gens ou d’agir avec eux toujours incommode et embarrassante. Un importun est celui qui choisit le moment que son ami est accablé de ses propres affaires, pour lui parler des siennes ; qui va souper chez sa maîtresse, le soir même qu’elle a la fièvre ; qui voyant que quelqu’un vient d’être condamné en justice de payer pour un autre pour qui il s’est obligé, le prie néanmoins de répondre pour lui ; qui comparaît pour servir de témoin dans un procès que l’on vient de juger ; qui prend le temps des noces où il est invité pour se déchaîner contre les femmes ; qui entraîne à la promenade des gens à peine arrivés d’un long voyage et qui n’aspirent qu’à se reposer ; fort capable d’amener des marchands pour offrir d’une chose plus qu’elle ne vaut, après qu’elle est vendue ; de se lever au milieu d’une assemblée pour reprendre un fait dès ses commencements, et en instruire à fond ceux qui en ont les oreilles rebattues et qui le savent mieux que lui ; souvent empressé pour engager dans une affaire des personnes qui, ne l’affectionnant point, n’osent pourtant refuser d’y entrer. »
Conclusion
En plus de travailler notre impatience, d’apprendre à planifier, un bon timing nous demande d’utiliser notre intelligence émotionnelle. Sentir le bon timing et savoir détecter ces moments où il est urgent d’attendre : une surchauffe émotionnelle (chez nous, chez l’autre), un manque de disponibilité… L’empathie, l’observation et la connaissance des autres nous y aident. Pour mettre toutes les chances de notre côté. Comme l’oiseau qui connaît le bon moment pour aller picorer entre les dents du crocodile.
C’est ce qui s’appelle aussi… être stratégique !
2 Commentaires
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Merci énormément pour ce magnifique article c’est très intéressant ça m’a été vraiment utile,je ne manquerai pas de visité votre site afin de lire d’autres articles.Merci encore pour ces précisions.
Cordialement.
je suis pleinement satisfaite des différents articles, car ils m’aident et me permettent de revoir beaucoup de choses dans mon travail et ma gestion
merci et continuer ainsi afin de nous permettre de gérer sans erreurs.
[…] Ensuite, l’idée est d’utiliser le style choisi de la meilleure manière : par petites touches ponctuelles, ou en fil rouge durant une période de temps plus longue. Tout est une affaire de timing! […]