C’est vrai, le goût du travail bien fait peut mener loin. Ceux qui réalisent de grandes choses, au travail comme dans l’art, ont souvent en eux un brin de perfectionnisme. Cette inclination leur a permis de grandes réalisations, des réussites abouties ou remarquables. Au moins au départ. Car à la longue, l’obsession du Parfait peut devenir un… parfait handicap.
Avertissement : cet article n’est pas parfait. Il a été écrit en bâillonnant d’une main ferme le « Sois Parfait » de son auteur. Oui, parfaitement. Il est dédié à tous ceux qui pensent que la perfection est une option réaliste.
L’excès d’excellence nuit. Voici 5 vraies raisons de négocier avec son perfectionnisme.
1.niveau Physiologique : le perfectionnisme tue votre énergie
Le Kolibri va encore nous parler d’écologie personnelle ? Eh oui, c’est mon oiseau de bataille.
Peut-être l’avez-vous constaté chez vous ou chez d’autres, la recherche de perfection condamne à une course sans fin.
Soyons raisonnable ! Comme a dit un auteur « Perfection is a moving target », une barre que l’on remonte chaque fois qu’elle est franchie quand on se laisse (mal)mener par son perfectionnisme.
Cette quête du toujours mieux, assortie bien sûr de l’absence de satisfaction (puisque bien, très bien, excellent ne sont pas encore assez), absorbe une énergie considérable.
La double peine du perfectionnisme
Conséquence : ils dépensent beaucoup d’énergie pour arriver à un résultat par lequel il ne se régénèrent même pas. Double peine ?
Et quand ils n’atteignent pas leur but ? C’est encore pire. Florilège des réjouissances du Sois Parfait en « échec » :
- émotions négatives : regrets, remords, doutes, honte, peur, culpabilité
- bavardage mental : « j’aurais dû faire ça », « comment ai-je pu rater ça », « qu’est-ce qu’ils vont penser de moi », « je suis nul »…
- perte de sommeil pour les plus angoissés
Et tout ça, ça en prend de l’énergie au quotidien. Une énergie dont ils auraient bien besoin pour garder le haut niveau de performance qui est leur norme.
2. niveau Organisationnel : il prend tout votre temps
Le perfectionnisme demande une attention de chaque instant et beaucoup de temps.
En terme de gestion du temps, il constitue un gâchis : si l’on s’appuie sur le principe de Pareto (20 % de l’effort produit 80% du résultat, et inversement) le perfectionnisme n’est pas efficient – même s’il est efficace.
Deux exemples :
– Christian a préparé son support pour une présentation orale pour des clients. Il a prévu 122 pages à dérouler (prononcer « slaïdes »), et a passé la nuit à peaufiner chaque page, sa mise en forme, les illustrations etc. Conséquence, il arrive épuisé mais rassuré dans la salle, commence à dérouler ses « slaïdes », et au bout du tiers le client l’interrompt : il n’aura pas le temps de poursuivre, mais cela n’a pas d’importance car il a assez d’éléments pour prendre sa décision d’achat. Le client est déjà convaincu. Combien d’heures de travail inutiles ?
– Jeanne envoie un article au service web interne pour mise en ligne sur l’intranet. Elle a passé du temps à le mettre en forme dans Word, mais à l’arrivée le service Web repart du texte brut pour répondre aux contraintes du CMS (Outil de gestion de contenus) interne.
3. niveau Créatif : il limite vos possibilités
Un perfectionniste adopte souvent une posture défensive. Il reste en zone de confort dans ce qu’il maîtrise. C’est un frein à son évolution.
Devant une alternative, le perfectionnisme nous fait souvent prendre l’option connue et maîtrisée. En effet, pour faire parfaitement, mieux vaut prendre les chemins déjà balisés.
Conséquences :
- pas ou peu d’innovation
- pas de prise de risque = parfois passer à côté d’opportunités
- restreint le champ des possibles
Or le risque et l’erreur sont parfois des opportunités de création. Pensez aux découvertes faites par erreur (la pénicilline par Alexander Fleming**, la tarte Tatin par les soeurs éponymes), que le perfectionnisme n’aurait pas permises.
Explorer son droit à l’erreur permet d’être plus créatif, et de s’améliorer.
4. niveau Décisionnel / Exécutif : il bride vos décisions
Le perfectionnisme nous rend plus lent pour décider, avancer, conclure :
– par souci de tout vérifier, de disposer de toutes les données nécessaires
– par peur de faire une erreur
Cela peut nous fermer des portes !
– Laurent s’occupe des événements internes, il a en charge la convention annuelle du groupe. Le voilà qui cherche le meilleur lieu pour l’organiser. De château en abbaye, il a retenu 5 prestations mais ne parvient pas à se déciser. Quand enfin il fait son choix et appelle, ses deux préférés ne sont plus disponibles à cette date…
Perfectionnisme et aversion au risque forment un duo redoutable pour perturber nos décisions.
5. niveau Relationnel : il n’est pas votre meilleur ami
Le Sois Parfait contrôle tout dans ses propres faits et gestes. Les anglo-saxons appellent ça « Control Freak« . Un Control Freak ne vous laisse pas de répit, c’est épuisant. Pouce !
Conséquences dans vos relations au quotidien :
– une attitude défensive face aux autres (puisqu’il est inconcevable d’être associé à la moindre erreur)
ex : ne pas exposer ses idées et laisser d’autres faire des choix stratégiques
– une attitude qui peut décrédibiliser : le perfectionniste se justifie, ne sait pas avoir tort
ex : un client a le malheur de vous dire qu’il n’a pas réussi à vous joindre, vous entrez dans une explication d’avocat sur votre présence assidue au bureau et votre joignabilité permanente.
– une intolérance qui peut rendre impopulaire
ex : vous ne supportez pas ceux qui ne travaillent pas aussi efficacement que vous, et cela se voit (impatience, agacement, reproches, difficulté à déléguer…)
– un handicap pour devenir un bon communicant
ex : vous prenez peu la parole par peur de ne pas être le plus pertinent, le plus convaincant, le meilleur orateur.
ex : quand vous ne vous rappelez pas le nom ou la fonction de votre interlocuteur, vous préférez fuir l’échange plutôt que d’improviser (et de risquer d’être démasqué).
Conclusion :
Le perfectionnisme peut devenir un frein important pour un leader. Souvent issu d’une éducation rigoureuse, généralisé aux petites et grandes tâches, il fonctionne comme un automatisme qui empêche de s’adapter au contexte et aux enjeux du moment. Nous devenons parfois de vrais esclaves de notre « Sois Parfait » ! Une piste à explorer : apprendre à jauger quand ce que nous faisons est suffisant en qualité et quantité.
Dans le prochain article nous verrons comment nous en libérer dans les situations qui le justifient.
A vous ! Questions de coach :
- Où en êtes-vous de votre désir de perfection ?
- Affairé(e) ou apaisé(e) ?
- A quel niveau vous coûte-il le plus ?
- Biologique ? Décisionnel ? Relationnel ?
- Pour quel bénéfice ?
- Souhaitez-vous changer quelque chose ?
- Testez-vous pour mesurer votre Soi Parfait
Le perfectionniste c’est quelqu’un qui ne regarde que le chemin restant à parcourir (et pas le chemin parcouru) et qui en plus, repousse sans cesse le point d’arrivée ! (pensée kolibri)
**La découverte de la pénicilline par Alexandre Fleming en est un illustre exemple. Cette découverte a eu lieu en 1928, lorsque Fleming laissa une boîte de Petri où il faisait pousser des staphylocoques dans son laboratoire et partit deux semaines en vacances. Lorsqu’il revint travailler, il constata que la culture avait été contaminée par les souches d’un champignon qui ont arrêté la croissance des bactéries. Fleming venait de découvrir un antibiotique !
photo : Certains droits réservés par cloud_nine
4 Commentaires
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Bonjour
je viens de trouver dans l’Usine Nouvelle cet article sur les puces électroniques (….) qui à mon sens illustre bien le coût de la perfection.
« Les puces probabilistiques, qui viennent d’être présentées par un groupe de chercheurs américains, singapouriens et suisses, ont été spécialement conçues pour réduire la précision de calcul. En contrepartie, elles sont plus petites, plus rapides et moins énergivores que les puces actuelles fondées sur la perfection de calcul. Selon les chercheurs impliqués dans ce développement, une tolérance de 8% d’erreurs de calcul les rendrait 15 fois plus performantes, sans pour autant affecter notre perception du réultat ! »
https://www.usinenouvelle.com/article/des-puces-imprecises-mais-plus-performantes.N176531
Cordialement
Carine
Bonjour Carine
Très intéressante cette info, merci ! Je te rejoins, c’est une belle illustration du coût de la perfection. J’aime savoir que nous revenons parfois de notre quête du parfait.
A bientôt,
Karine
Bonjour,
Votre « article » est réellement instructif et j’en retire des choses qui peut-être m’aideront à avancer.
En effet, mon perfectionnisme est un frein à mes ambitions littéraires, cela s’est considérablement « aggravé » ces deux dernières années. J’ai conscience de mon problème, mais malgré de nombreuses résolutions je m’entête à juger – et ce sévèrement – mes textes alors qu’ils n’en sont qu’à leurs balbutiements. Pire, j’accorde une importance démesurée à la mise en page de mes documents et n’a de cesse de modifier format de page, taille et police d’écriture. Des « réglages » superflus motivés par un perfectionnisme qui m’empêche purement et simplement de devenir ce pourquoi je suis fait.
Amicalement.
Julien.
Bonjour Julien
Merci pour ce partage de votre propre expérience du perfectionnisme, avec ces exemples concrets et vécus qui éclaireront d’autres lecteurs… voire résonneront pour eux !
Vous semblez mesurer le coût de votre perfectionnisme, et ce dont il vous prive (carrément de devenir ce pour quoi vous êtes fait, c’est quelque chose !)
J’ai envie de vous demander alors, que gagnez-vous avec ce perfectionnisme, qui vous fait le garder malgré tout ?
Bien sincèrement,
Karine