Que faites-vous quand d’autres vous collent un caractère que vous ne vous reconnaissez pas ? La plupart du temps, nous nous conformons aux attentes des autres, c’est ce qu’on appelle l’Effet Pygmalion. Si l’on vous dit souvent que vous êtes directif, vous allez renforcer ce trait. Si l’on vous trouve paresseux, vous allez le devenir davantage. Comment éviter le piège et s’assurer que nos comportements servent nos propres objectifs ? Ecoutez l’histoire du faux méchant qui en voulait pour son argent.
Récemment, une personne de mon entourage – appelons-le Marc – las d’entendre dire qu’il était méchant (les enfants sont formidables), m’a beaucoup fait rire et réfléchir avec la formule suivante :
« Si je suis méchant, alors je vais l’être tout à fait : j’en veux pour mon argent ! Je paye cher d’être ‘méchant’, je veux consommer, y a pas de raison ! »
Permis capital
Je me suis demandé s’il n’avait pas exprimé là une partie du mécanisme, de ce que nous produisons quand d’autres nous collent une étiquette qui ne nous convient pas. Quitte à passer pour un…, autant l’être tout à fait non ?
Cela bien dû vous arriver, en famille ou en entreprise. J’ai un client comme ça, en coaching, qui se conforme avec application à cette image d’homme « totalement inexpressif » que son entourage projette sur lui. Vous cherchez dans son visage un indice, vous attendez l’intonation, vous décryptez le non verbal… rien. Il est très peu expressif.
Pour en revenir à Marc le « méchant », je trouve très intéressant ce mécanisme dans lequel il entre. Puisqu’il est « taxé » d’être méchant, finalement il paye pour cela, alors pourquoi ne pas profiter de ce qu’il a acheté bien malgré lui ? La question de savoir s’il est avantageux pour lui de consommer cet achat-là, semble presque secondaire ; c’est comme s’il s’agissait pour lui de faire justice en rétablissant un équilibre économique, en consommant ce qu’on lui fait payer – une sorte droit à être méchant. Passer pour méchant quand on ne profite même pas des avantages de la méchanceté, c’est injuste.
L’effet Pygmalion
Ce que les sciences sociales nous ont appris, c’est qu’il existe un « effet Pygmalion » : nous nous conformons à ce que les autres attendent de nous, de sorte que leurs jugements peuvent devenir des prophéties autoréalisatrices.
C’est Robert Rosenthal, psychologue américain de l’université de Californie à Riverside qui a découvert cet effet, avec la célèbre « expérience Rosenthal ». D’abord réalisée avec des rats et des groupes d’étudiants (les rats dont les étudiants pensaient qu’ils étaient plus doués, l’ont été, parce que les étudiants les traitaient comme tels), l’expérience a mis en évidence l’effet Pygmalion : un sujet ayant une attente vis-à-vis du comportement ou des résultats d’un autre sujet, causerait chez cet autre sujet les comportements et résultats attendus.
L’expérience a été reproduite avec des élèves et leurs professeurs.
Que s’est-il passé ? En fin d’année, tous les élèves annoncés précoces avaient fait des progrès significatifs… qu’ils aient eu un résultat bon, moyen et même mauvais au test initial !
L’explication selon les auteurs de l’expérience : en présentant ces élèves comme précoces, ils ont créé chez les professeurs une attente concernant les résultats futurs de ces élèves. Une attente fondée sur une croyance (le test était réel, les professeurs ne savaient pas qu’ils avaient de faux résultats), que les professeurs ont tout fait pour confirmer inconsciemment. Voilà l’effet Pygmalion à l’oeuvre.
Ainsi, il a été repéré chez ces professeurs les comportements suivants envers les prétendus précoces :
– disposition positive
– favoritisme
– promotion : les élèves « précoces » se voyaient confier des responsabilités comme garder la classe etc.
– tri sélectif : les erreurs des élèves « précoces » étaient minorés par les professeurs
Au final, cet effet Pygmalion peut se définir comme le fait d’influencer l’évolution d’un élève en ayant une attente et une hypothèse sur sa réussite scolaire.
Note : d’après les recherches plus récentes, cet effet s’applique quand il y a une relation de subordination entre celui qui a l’attente, et celui qui est influencé.
Qu’en est-il du manager et de son équipe ?
Pygmalion le Manager
Un manager qui a des attentes envers un collaborateur, risque de les voir satisfaites. Bonne ou mauvaise nouvelle, selon !
Exemple :
Dans cet exemple le manager pense que son équipe ne progressera pas vers un meilleur niveau technique et une autonomie, et son attitude reflète cette croyance. L’ensemble influence chaque membre de l’équipe, dont le comportement en retour donne raison au manager : l’équipe acquiert ou développe la caractéristique attendue.
Bien sûr il peut y avoir des cas inverses : j’ai connu une équipe à laquelle son responsable avait dit « vous n’y arriverez jamais, je le sais ! » et qui a voulu précisément le faire mentir en réussissant. Mais dans ce cas précis il n’y avait plus de subordination, l’influence était enrayée par un désavoeu du manager par son équipe. Vous connaissez sûrement des exemples similaires dans les relations parent-enfant (l’enfant stigmatisé « nul en classe » qui se bat pour prouver le contraire).
Prenons à présent un exemple positif :
Ainsi un manager possède la faculté d’influer sur l’évolution de son équipe, et le développement de comportements qui vont, ou non, dans le sens de ses propres objectifs.
Et nous-mêmes, qui sommes parfois influencés par les attentes d’autrui, comment nous assurer que notre réponse est favorable à l’atteinte de nos propres objectifs ?
Agir hors de la boîte
Ce type de boucle comportementale qui produit une autoréalisation peut nous happer à tout moment.
Ex : « Ben dis donc, toi, tu ne dis jamais bonjour ! » peut vous inciter à saluer encore moins vos collègues de travail ; la méfiance de votre N+1 qui vérifie chaque ligne de votre travail, peut vous amener à y laisser des fautes d’orthographes, confirmant ainsi la croyance de votre boss et renforçant son comportement de relecteur « à la loupe ».
Ce n’est pas toujours sain ! Il peut y avoir du jeu psychologique là-dessous.
>> Lire Jeux psychologiques en entreprise et triangle de Karpman
Que nous soyons en position de Pygmalion ou de Galatée, il est intéressant d’identifier ces boucles avant qu’elles ne s’installent, pour en sortir. Qu’est-ce qui est bon pour vous au fond ?
En Pygmalion :
En position de Pygmalion, vous avez la responsabilité de vérifier vos préjugés et vos croyances.
Identifier leurs impacts sur les autres (vos collègues ou collaborateurs) peut vous inciter à les revisiter.
Ensuite, accepter de se laisser surprendre.
Quelques pistes sous formes d’articles :
>> Sortir de ses habitudes les plus ancrées
>> Activer ses lobes frontaux, et son hémisphère droit
>> S’ouvrir à la complexité
>> Accepter d’avoir tort
>> Travailler son leadership coach
En Galatée :
En position de Galatée, vous avez la responsabilité de reprendre le pouvoir sur vos comportements, et d’en faire le reflet de votre identité, vos valeurs, vos buts.
Quelques pistes :
– Accepter de ne pas donner raison à son Pygmalion
– Assumer de surprendre, d’être là où on ne nous attend pas
– Rester fidèle à ce que l’on veut être
– Veiller à ne pas satisfaire les croyances et projections des autres si elles s’écartent de notre volonté
– En somme, réfléchir à pourquoi on fait les choses
A vous ! Questions de coach
- Y a-t-il des choses que vous faites parce que d’autres vous ont dit que c’était votre genre ?
- Ou parce qu’ils vous renvoient cette image de vous-même dans leur façon d’être ?
- Si oui : ces comportements que vous avez, servent-ils vos objectifs ? Ou sont-ils des freins ?
- Qu’aimeriez-vous améliorer dans ce fonctionnement ?
La réponse est en vous, et pour travailler votre individuation, pour aligner vos comportements avec vos objectifs, faites appel à un coach ! Je suis à votre disposition pour clarifier vos besoins lors d’un entretien préalable.
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Lire aussi : les théories X et Y
9 Commentaires
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Bonjour Karine,
J’ai rencontré le mot « croyances » en 2009 lors d’une formation en PNL. J’ai compris que depuis longtemps elles m’ont limitées, elles ont renforcées mes peurs, et m’ont certainement enfermées négativement dans un état de survie !
Aujourd’hui tout à changé, mes croyances sont positives, me font avancées, me permettent de faire mes propres choix et d’avancer dans la vie sereinement et avec gratitude. C’est un gros travail sur soi mais cela valait la peine……
Je trouve votre site excellent , merci d’avoir croisé ma route et de vous lire.
Bien cordialement.
Bonjour
Merci de votre partage d’expérience, c’est très intéressant de voir l’évolution dans la durée à partir de la première prise de conscience des croyances limitantes.
Comment faites-vous pour identifier vos croyances limitantes ? Car nous y sommes souvent aveugles.
Bonne journée,
Karine
Bonjour Karine,
Pour répondre à votre question, quand il y a croyance limitante il y a une pensée négative qui l’accompagne.
Exemple : je dois envisager de changer de métier, dans mes croyances limitantes (qui n’existent que pour moi) je vais avoir : ce métier n’est pas pour moi, j’ai pas d’expériences, j’ai pas le diplôme qui va bien ! toute une liste …. dès que ce genre de pensée arrive je détourne immédiatement celle-ci en mode positive : qui devient : je vais apprendre un nouveau métier, je vais me former pour être au niveau, passer une certification, en parler avec quelqu’un qui connait bien ce métier bref je vais chercher des réponses et organiser mon savoir sur le sujet afin de prendre le recul nécessaire.
De nouvelles croyances sont nées……. positives celles-là !
Bien cordialement.
Martine.
Bonjour Martine
Merci pour votre réponse. Voilà une manière d’identifier les croyances limitantes : trouver toutes ces phrases ou pensées négatives liées à un objectif que nous avons.
Vous utilisez une stratégie qui consiste à positiver, et à passer en mode solution, ce qui est une option.
Je crois aussi beaucoup à la ré-évaluation de la pensée négative :
– qu’est-ce qui concrètement m’amène à croire que (que je n’ai pas d’expérience etc.) ?
– même si c’est le cas, en quoi est-ce un frein pour faire ce métier ?
Avec une telle approche, il n’est même plus besoin de trouver une solution, puisqu’il n’y a plus de problème !
Qu’en pensez-vous ?
Karine
Bonjour Karine,
C’est exactement cela, car depuis que j’utilise cette manière de faire les « problèmes » n’existent plus !
Bonne journée.
Je suis ravie d’avoir pris connaissance de cet article. L’autre partie de nous même que j’appelle mon jumeau ( l’authentique part) est très souvent en colère . Cette petite voix amie nous la faisons souvent taire. L’effet pygmalion nous le rencontrons tous les jours et je suis d’accord avec Marie-Pierre, très souvent cette zone d’ombre nous le rejetons car elle fait peur. Elle devient effectivement plus « naturelle » aux yeux des autres.
Merci pour cet article
Béatrice
Bonjour
Merci de votre retour et de votre apport avec le « jumeau » et au sujet de la colère refoulée.
A bientôt
Oui je suis complètement d’accord sur l’effet Pygmalion et l’effet des croyances, c’est un phénomène que l’on rencontre régulièrement dans le cadre de coaching ; j’ajouterai que dans certains cas, il peut y avoir projection d’une zone d’ombre que les autres voient et la personne ne reconnait pas en elle (soit elle la rejette, soit elle ne la voir pas). Je me demandais notamment si la personne que l’on taxait de méchant et qui voulait en avoir pour son argent, n’avait pas dans certains cas une certaine agressivité dans son ombre.
Marie-Pierre alias @marieglen
Bonjour Marie-Pierre
Merci pour ce complément très intéressant ! Je n’avais pas pensé à la zone d’ombre et je trouve ça tout à fait pertinent.
La personne en question a effectivement une part d’agressivité dans sa zone d’ombre en ce sens qu’elle la rejette en partie. Est-ce à dire qu’en refoulant cette part et en ne la laissant pas s’exprimer, elle la rend plus monstrueuse qu’elle n’est ? Ce qui expliquerait alors que cela devienne, vu par des personnes extérieures, quelque chose d’aussi radical que « tu es méchant » ? Hm, très intéressant.
Je te remercie beaucoup pour cet éclairage (!) par la zone d’ombre.
A bientôt,
Karine