Motivation : à coeur vaillant

Marian Rejewski en train de déjouer le code d'EnigmaA coeur vaillant rien d’impossible ! Quand la motivation est forte, nous activons des capacités insoupçonnées et réussissons ce qui semblait hors de portée. L’histoire de la cryptanalyse du code d’Enigma – machine à chiffrer les messages utilisée par les Allemands durant la Seconde Guerre Mondiale – nous apprend qu’une motivation très forte constitue en soi une capacité précieuse, et qu’elle prend sa source dans des émotions, ainsi que des besoins et valeurs que nous cherchons à satisfaire.

L’histoire d’Enigma

Initialement, Enigma était une machine à chiffrer les messages, vendue pour un usage commercial. Son créateur l’ingénieur Arthur Scherbius avait échoué dans sa commercialisation (le prix était élevé) au milieu des années vingt. Puis la marine allemande commanda des versions plus évoluées et en 1929, l’usage de l’Enigma se généralisa dans l’armée allemande.

En 1928 les cryptanalystes britanniques, qui lisaient les communications allemandes comme un livre ouvert depuis la première guerre mondiale, tombent soudain sur un os : certaines communications restent indéchiffrables. Enigma fournit en effet aux Allemands un cryptage si complexe que toutes les techniques classiques de cryptanalyse s’y cassent les dents. Les Alliés renoncent rapidement à s’attaquer à ce mur absolument lisse ; manque de motivation et excès de confiance par ailleurs dans leurs capacités militaires face à l’Allemagne ? En revanche, la Pologne a de son côté continué à investir dans la cryptanalyse avec un Bureau du Chiffre (Biuro Szyfrów), qui lui a donné accès au contenu des communications soviétiques en 1920, et qui lui permettra peut-être de voir venir d’éventuels dangers de la part de ses voisins.

Que font les Polonais quand, en 1928, ils rencontrent eux aussi des messages allemands cryptés par Enigma? Ils cherchent par tous moyens à casser ce nouveau code, sans succès. De son côté le Bureau du Chiffre français récupère en 1931, via un contact allemand, un manuel d’utilisation d’Enigma qui lui permettrait de mieux comprendre comment fonctionne la machine et donc le code. Mais les cryptanalystes français se découragent très vite : le manuel donne bien un début de piste mais laisse le problème presque entier – ils abandonnent. Les Polonais en revanche, se sentent menacés par une possible invasion ; cette peur les pousse à agir et, quand ils reçoivent la copie du manuel par les Français, les cryptanalystes du Bureau du chiffre polonais se donnent pour mission de résoudre l’énigme. Mission qu’ils accomplissent en 1932 en se dotant de moyens exceptionnels… il leur aura fallu une année pour venir à bout d’Enigma !

Un code incassable ?
La conception d’Enigma au moment où le Bureau du Chiffre polonais s’y attaque, fait de son cryptage le plus puissant au monde. Cette machine à écrire électro-mécanique fonctionne avec des branchements électriques complexes et 3 rotors qui font qu’à chaque lettre du texte tapé, le cryptage change. C’est un type de chiffrement inédit, incroyablement difficile à casser. Outre ce changement permanent de chiffre, le nombre de cryptages possible est très élevé en raison du nombre de combinaisons possibles. Le réglage de départ (sur lequel s’accordaient tous les opérateurs en synchronisant leurs machines grâce aux “carnets de codes”) change chaque jour. En résumé, pour décrypter un message codé par Enigma, il faut alors posséder une machine Enigma, et connaître le réglage utilisé par l’opérateur au moment de taper son message. Tester toutes les combinaisons possibles aurait pris des années : les machines Enigma pouvaient à cette époque chiffrer un texte selon 1016 (17 576 * 6 * 100 391 791 500) combinaisons différentes ! Décourageant, non ? Et pourtant…

Les clés de l’exploit

Comment les Polonais ont-ils réussi à casser le code d’Enigma ?

Avec des moyens exceptionnels :
un changement de paradigme : depuis l’antiquité la cryptanalyse était réservée aux littéraires, avec Enigma les Polonais ont compris qu’un chiffre mécanique était du ressort d’esprits scientifiques et mathématiques ; le Bureau du Chiffre a changé son recrutement, notamment en confiant à Marian Rejewski, pur mathématicien, la cryptanalyse d’Enigma
un courage payant : Rejeswski a travaillé seul pendant des mois à reconstituer la machine Enigma et son fonctionnement ; ensuite, l’équipe du Bureau du Chiffre a dû tester à la main des quantités astronomiques (et décourageantes) de combinaisons sur la machine Enigma reconstituée, avant d’entreprendre quelques années plus tard la construction des “bombes”, machines qui mécanisaient ces opérations.

Le facteur Motivation est sans doute ce qui a fait la différence, car les Britanniques disposaient d’au moins autant de moyens que les Polonais, mais ils n’étaient pas aussi motivés à trouver une aiguille dans une botte de foin. “Impossible n’est pas polonais” auraient pu dire ces cryptanalystes du Biuro Szyfrów.

Une motivation à soulever des montagnes

Cette motivation à l’oeuvre chez Marian Rejewski et les cryptanalystes polonais les a amenés à faire preuve de créativité et d’une persévérance proche de l’acharnement. Le génie mathématique de Rejewski aurait-il pu s’exprimer sans les moyens déployés par le Bureau du chiffre et surtout sans une motivation si forte qu’elle vient à bout de l’incassable ? En 1980, Rejewski se souvenait qu’à une étape de sa recherche, avant de recevoir le manuel des Français, il n’était pas sûr de pouvoir résoudre l’énigme sans des données supplémentaires : l’équation présentait trop d’inconnues. Ce qui ne l’a pas arrêté pour autant.

Motivé, Rejewski l’a été au point de chercher dans toutes les directions, soulever toutes les pierres même celles qui avaient été rejetées par les Britanniques à propos d’Enigma, comme dans la recherche de l’ordre des lettres sur le clavier. Cet ordre était inconnu des Alliés ; les Britanniques qui travaillaient à le reconstituer, avaient exclu la possibilité d’un ordre alphabétique trop simple (ABCDEFG, etc.) Rejewski a testé cette possibilité, et comme par magie le fonctionnement du premier rotor d’Enigma s’est éclairé.

Grâce aux Polonais, les Alliés ont pu décrypter les messages Enigma avant la Bataille d’Angleterre et celle de l’Atlantique. Hitler dirigeait ses opérations par radio, en utilisant le chiffrement d’Enigma. En somme, la capacité acquise par les Alliés à décrypter les messages allemands a décidé du sort de la Seconde Guerre Mondiale.

Epilogue

Le ressort de la motivation polonaise dans cette affaire, c’est en partie la peur. Il y a bien sûr le besoin de protéger le pays, l’importance de rester libres et indépendants (valeurs de liberté, d’autonomie, d’intégrité etc.) ainsi qu’un goût du challenge, mais l’émotion qui crée le mouvement c’est la peur. Une peur vécue à un degré raisonnable car elle laisse toutes ses capacités à Rejewski – l’on sait qu’un stress trop important inhibe les capacités de réflexion, de choix, de mémorisation.

Que vous inspirent Rejewski et les cryptanalystes dans leur bataille face à Enigma ?

Quels échos peut trouver cette histoire dans votre situation actuelle ? En d’autres mots : quelle est votre Enigma ?
Note : Mais alors diront certains, le management par la peur, finalement… ça marche ?!

Nuance ! Ici la peur est extérieure à l’organisation et crée une cohésion interne pour faire face à un ennemi extérieur. Alors que management par la peur exploite surtout la peur intrinsèque à l’organisation : peur de la hiérarchie, peur de la compétition, peur des conséquences d’une erreur pour sa place, son poste etc.

 

 

3 Commentaires

    • wilfried ngakiegni sur 12 juin 2014 à 13 h 06 min
    • Répondre

    A cœur vaillant rien n’est impossible: C’est dans le dynamisme, le dévouement et le courage quand on arrive à répondre au slogan : à cœur vaillant rien n’est impossible.
    Dans le monde du travail, le tout ce résume par une volantée de fer dans le travail, une pensée positive dans tous ce qu’on fait et c’est possible si la personne croit qu’il peut arriver. Un penseur disait si tu échoues mille fois essai encore une fois il ce peut que tu arriverais à la solution.

    • guillermin sur 11 juin 2014 à 7 h 51 min
    • Répondre

    Une construction avec des outils de base du coaching bien articulés, Merci

    • DEFAYS Béatrice sur 10 juin 2014 à 14 h 43 min
    • Répondre

    Très intéressant – mais surtout ce que je retiendrais : c’est ce qui en ressort en toute fin au niveau entrepreneurial.

    Que la cohésion intra-entreprise des collaborateurs, quel que soit le facteur est un plus, même si ce facteur semble à priori « négatif » ici la peur – MAIS que ce même facteur prend toute sa valeur négative lorsqu’il est UTILISE dans LE BUT de MANIPULER pour « convaincre » de faire avancer les « troupes »

    Tout cela montre combien L’UTILISATION POSITIVE de quelques facteurs que ce soit conduit vers L’EFFICIENCE.

    – Une étude scientifique ( – http://t.co/5eXFa9Mx -) a montré que l’homme est prédisposé à la bonté- CQFD –

    Béatrice DEFAYS
    COACH HUMANISTE

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