Tête au carré : nos préférences cérébrales


Cerveau - 4 quadrants et leurs caractéristiquesUne petite « branche » avec notre ami Philippe sur le cerveau, ça vous manquait ? Il revient, cette fois nous parler de nos préférences cérébrales : émotionnel/rationnel, global/détail… Quelles sont nos tendances personnelles et que donnent-elles dans notre métier, dans nos relations aux autres ? Peut-on faire évoluer son propre fonctionnement ?

Karine : – Bonjour Philippe ! Nous sommes tous différents et parfois complémentaires, dans nos fonctionnements. Peux-tu nous en dire plus sur le sujet, du point de vue de notre cerveau ?

Philippe HorinPhilippe : – Notre cerveau fonctionne avec des dominances, différentes selon les individus. La plus connue est la dominance droite / gauche pour les membres. Moins connu, sinon par les tireurs ou les archers, le fait que nous ayons tous un œil dominant. Notre cerveau comporte bien d’autres dominances. Certaines s’avèrent très utiles à connaître pour comprendre nos comportements.

Bien trop souvent, les managers recrutent des collaborateurs qui leur ressemblent. Pourtant, une équipe efficace est constituée de types de comportements différents, qui se complètent et s’équilibrent.

Karine : – C’est juste ! la complémentarité fait la richesse et crée aussi la possibilité pour chacun d’évoluer.  Peux-tu nous donner des exemples de dominances ?

Philippe : – Des psychologues comme Carl Gustav Jung avaient déjà identifié, bien avant l’avènement des neurosciences, la dominance chez certains de l’émotionnel, alors que chez d’autres le coté rationnel prenait le dessus. Dans son ouvrage « Les types psychologiques », Carl Jung avait dès 1921 repéré comme paire de caractéristiques comportementales la pensée (T pour thinking) et le sentiment (F pour feeling).

Karine : – Nous savons aujourd’hui que ces deux modalités sont complémentaires, par exemple dans la prise de décision.

Philippe : – Depuis Jung, les neurosciences ont localisé les circuits dont les manifestations avaient été mises en avant par Jung : en simplifiant, comme nous l’avons évoqué lors de nos deux précédentes branches, il s’agit de la zone du cortex frontal pour la pensée, le raisonnement et du système limbique (amygdale en particulier) pour les émotions.

Karine : – Oui, tu nous avais expliqué dans la dernière « Branche », que le cortex était le dernier venu dans les stades d’évolution du cerveau.

Philippe : – En effet, et cette différence entre individus est apparue au cours de l’évolution, notamment avec les mammifères. Tous les lombrics ont le même tempérament, alors qu’il existe des espèces plus récentes comme les chats ou les chiens dont certains sont craintifs et d’autres agressifs.

Karine : – Qu’est-ce que ça donne en entreprise ?

Philippe : – Chez les humains et donc chez nos collaborateurs ou patrons, certains vont privilégier le rationnel, et d’autres l’émotionnel. Face à un même événement, une critique en réunion par exemple, certains vont privilégier une réaction rationnelle avec force raisonnements ou chiffres, pendant que d’autres vont réagir sur le plan émotionnel, en se mettant en colère ou en rassurant.

Cette dominance est à mon sens le paramètre N°1 incontournable à prendre en compte. Dans la plupart des théories sur les typologies psychologiques et les tests qui en découlent, se retrouve cette distinction rationnel / émotionnel, sous une forme ou sous une autre. Elle est ainsi utilisée dans le test de personnalité le plus pratiqué au monde en entreprises, le MBTI (adapté des principes de Jung par Myers – Briggs).

Karine : – Oui, et le MBTI fait aussi intervenir d’autres critères comme l’énergie, le mode d’action…

Philippe : – Oui, d’autres dominances sont possibles. Elles varient selon les auteurs. Comme paramètre N°2 pour connaître et comprendre nos comportements, un couple intéressant est à mon sens celui « Global / Détail ».  Il rappelle le fonctionnement du « cerveau droit » (qui n’est pas l’hémisphère droit anatomique mais une partie de notre fonctionnement cérébral, NdA), plutôt global et du cerveau gauche plutôt séquentiel et détail.

Cette représentation plutôt simple va nous permettre de visualiser 4 grands types de comportements : le Développeur, l’Organisateur, l’Expert, et le Conseiller.

Karine : – Peux-tu nous présenter chacun de ces 4 profils ?

Philippe : – Le Développeur, par exemple, va donc être à dominance émotionnelle et globale. Autrement dit, dès que vous allez lui donner des détails, il va s’ennuyer. Il lui faut en permanence du nouveau, du challenge. Il est créatif, imaginatif et a donc horreur de la routine. Il travaille dans l’instant, décide rapidement, instinctivement et a naturellement du mal avec les cadres trop resserrés et les normes. Les développeurs sont parfaitement adaptés à des postes dans la publicité, le marketing, la R&D.

Chez l’Expert, à l’opposé, dominent le rationnel et le détail. Il est rigoureux, vérifie tout avant de prendre une décision et peut donc être jugé trop lent par un développeur.  Les procédures les rassurent, la routine leur apporte la sécurité dont ils ont besoin. Ils n’aiment pas l’imprévu, travailler dans l’urgence. Les experts sont performants dans des postes de comptabilité, d’expertise, de contrôle.

L’Organisateur est lui très rationnel. C’est le résultat qui compte et il est d’une belle efficacité. Il décide vite et bien, mais il peut du coup ne pas s’embarrasser de détails qui l’empêcherait d’atteindre ses objectifs. D’où un coté un peu « bulldozer » parfois chez les tempéraments les plus marqués. Il excelle dans les postes de chef de projet lorsque le sens de l’organisation est à privilégier par rapport aux rapports humains.

Le Conseiller, à l’inverse, privilégie la relation aux autres. En équipe, ce qui compte le plus c’est l’ambiance entre les membres et le résultat n’est pas sa priorité. Très attentif, à l’écoute, il est souvent le confident, le collègue très apprécié. Il aura du mal à être ferme et ne sera pas nécessairement à l’aise sur des postes de responsabilité. Il  constitue souvent le profil idéal dans la communication ou dans le social.

Il serait possible d’approfondir encore plus, pour plaire aux dominants « cerveau  gauche » ! Il  faut aussi penser aux dominants « cerveau droit « .

Le schéma ci-dessous leur donne une approche synthétique :

Cerveau - 4 quadrants et leurs caractéristiques

Karine : – Comme ça tout le monde est content. C’est très intéressant, surtout en se rappelant qu’il ne s’agit que de dominantes et que toutes les nuances sont possibles. A ton avis, peut-on évoluer dans le temps (éventuellement en y travaillant), par exemple pour passer de conseiller à développeur ? Ou de développeur à organisateur ?

Philippe : – Oui, tu as raison,  tous les ‘dosages’ sont possibles jusqu’à la caricature :  qui ne connaît pas un développeur ou un expert à 120% ? Ensuite, effectivement on évolue individuellement, par ses rencontres et ses expériences. Certains tendent vers le ‘centre’, et atteignent un certain équilibre – c’est souvent le cas avec un bon coach ;-)  car un bon manager doit savoir être développeur, puis conseiller puis organisateur et expert au bon moment.

Karine : – Tout comme il est important de savoir manier différents styles de leadership selon les contextes et les personnes.Et pour cela, avoir un « centre » équilibré entre les 4 tendances.

Philippe : – D’autres se radicalisent avec l’âge. Cela n’est pas nécessairement négatif si c’est adapté au poste occupé. En revanche, je dois avouer que je n’ai jamais vu d’évolution d’un extrême à l’autre, comme par exemple un pur conseiller qui deviendrait un organisateur type. L’ADN et le vécu des années antérieures ne s’effacent pas facilement.

Karine : – Tout comme nous disons en coaching que la personne peut évoluer et progresser parfois de manière spectaculaire, mais pas jusqu’à changer de nature.

Philippe : – Ce qui est certain en tous cas c’est qu’une entreprise ou une équipe performante tient nécessairement d’un mix entre les 4 typologies. Une entreprise dirigée par un développeur va exploser à ses débuts, mais si un organisateur ou un expert ne viennent pas structurer ou assurer derrière, elle ne fera pas long feu.

Si je peux te confier une expérience personnelle : je suis rentré dans le CODIR d’une entreprise de 300 personnes il y a quelques années. A chaque réunion, ça tirait dans tous les sens, je me demandais où j’avais mis les pieds. Le DG a pris l’attache d’un consultant et il est allé jusqu’à permuter tous les postes, du jour au lendemain ! Le développeur a pris la prospection, l’organisateur a pris la construction, le conseiller est devenu référent technique et l’expert est devenu Secrétaire Général. A partir de là, tout a changé. Les CODIR sont rapidement devenus sereins, et la société est passée de la zone rouge à une position confortable et respectée en quelques années. Il fallait oser, mais le changement a été incroyablement efficace.

Karine : – Excellent ! C’est-à-dire que les postes avaient initialement été attribués à contre-courant des dominances de chacun ? Comme si ces personnes étaient à contre-emploi ?

Philippe : – Tout à fait. Leur formation et leur parcours les avait aiguillés vers des postes sur lesquels ils étaient techniquement compétents, mais pas comportementalement adaptés.

Karine : – Merci Philippe pour ce voyage dans les régions du cerveau ! A bientôt.

 

 

4 Commentaires

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    • kty sur 2 février 2013 à 17 h 47 min
    • Répondre

    Interview intéressante, en tant qu’artiste et coach je m’intéresse particulièrement au cerveau droit et comment la pratique artistique permet de se reconnecter avec notre créativité dans tous les pôles de notre vie, je vous invite à visionner l’excellente vidéo de Dan Pink en voici le lien

    https://www.ted.com/talks/dan_pink_the_puzzle_of_motivation?language=fr

    1. Bonjour Kty,

      Merci de votre commentaire, la pratique artistique permet d’explorer d’une autre manière ces questions de préférences cérébrales.

      Merci pour la vidéo, je vais la revoir car mon post sur cette vidéo
      date de 2011 et je ne me souvenais pas que cela parlait de créativité.

    • Carine sur 30 janvier 2013 à 21 h 47 min
    • Répondre

    Bonjour
    je trouve l’exemple de la permutation dans le CODIR très intéressant. Il faudra que je pense à m’en inspirer quand je gratterai sur les remplacements des 2 ans à venir pour mieux rééquilibrer / redynamiser.

    Vivement la prochaine branche

    Carine

      • Karine sur 1 février 2013 à 15 h 46 min
      • Répondre

      Bonjour Carine,

      Merci de ton commentaire.
      Super si Philippe et cette branche ont pu t’inspirer !
      Nous travaillons à la prochaine branche.
      A bientôt,
      Karine

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